Brrr…

Oiseaux sur un buisson givré

Il fait frisquet ! Est-ce déjà les Saints de glace ? Est-ce normal en cette fin de semaine d’avril ? Nous avons demandé à notre journaliste scientifique ce qu’il se passe. Et comme d’habitude, il nous répond pertinemment. La rédaction

Les humains ont la mémoire courte.  Il est vrai que l’on se souvient bien mieux des périodes où la nature nous offrait une douceur exceptionnelle. Ainsi pour remonter à notre début de siècle, en février 2012, la France a connu une vague de froid d’intensité exceptionnelle, la cinquième plus sévère depuis 1947. Des températures de -10 à -14 degrés avaient été observées dans plusieurs régions.

Un chocolat servi sur un plaid douillet et cosy
Un paysage ensoleillé et givré

Il n’y a pas si longtemps, – puisque c’est arrivé en janvier 2024 – , une sérieuse vague de grand froid venue de Russie a enseveli sous la neige la capitale norvégienne, Oslo, où le mercure est passé sous les -30°C. En Suède, une température de -43,6 °C avait été relevée dans le nord du pays. Et croyez-moi, même les Suédois qui pourtant sont accoutumés au froid, n’en revenaient pas. Ce fut la plus basse température enregistrée depuis 25 ans pour un mois de janvier. Ces événements montrent clairement que des vagues de froid sévères ne sont pas inédites en Europe.

Au grand dam des arboriculteurs, elles peuvent survenir à différentes périodes de l’année, pas seulement pendant les Saints de Glace. La vague de froid affecte l’Europe ce 22 avril 2024 est effectivement remarquable. Selon les informations disponibles, les températures sont proches de 0°C dans certaines régions et cette fraîcheur est qualifiée de “peu banale” pour la saison. Les prévisions météorologiques indiquent que les températures resteront en dessous des normales saisonnières avec des minimales peinant à s’écarter de la barre des 5°C. Cependant, il est important de noter que cette vague de froid n’est pas une avancée des Saints de Glace, qui sont traditionnellement associées à une période de gelées tardives en mai. Bien que la vague de froid actuelle soit inhabituelle pour la période, elle ne peut donc pas être directement liée aux Saints de Glace.

Les Saints de Glace… une croyance populaire ?

Oui, les  saints de glace sont un phénomène météorologique qui, selon la croyance populaire, se produit autour des jours dédiés à certains saints. Les dates sont le 11, 12 et 13 mai pour le début et s’étendent parfois jusqu’au 25 mai, où les dernières gelées de printemps pourraient survenir et affecter les arboricultures et l’agriculture.

Il est également intéressant de noter que les études météorologiques n’ont pas confirmé la survenue récurrente de gelées spécifiquement pendant les jours des Saints de Glace. En réalité, des gelées peuvent être observées tout au long du mois de mai et ne sont pas limitées à cette période.

Champ givré
©Susanna Koivula

Et pourquoi « Saints » de glace ?  

Eh bien, je vous le disais, selon une tradition plus que millénaire, il y a 3 principaux Saints de glace.

Saint-Mamert

Les saints de glace débutent le 11 mai, dédiés à Saint-Mamert. Il fut archevêque de Vienne, en Gaule, décédé en 474. C’est lui qui a institué les jours des rogations : trois jours de prières de demande liturgique contre les calamités, juste avant l’Ascension. Les jours de rogation sont une tradition chrétienne ancienne, observée principalement dans l’Église catholique, mais aussi dans les Églises anglicane et orthodoxe. Les rogations (« rogare » en latin signifie « demander ») sont une forme de supplication consistent en des rituels de prières d’intercession et de processions dans les champs pour implorer la bénédiction divine pour les récoltes à venir.  En bref, elles ont été instituées pour la prospérité des moissons et la protection contre les calamités naturelles.

Saint-Pancrace

Le vendredi 12 mai 2024 est dédié à Saint-Pancrace, le patron des enfants car il a été décapité à l’âge de 14 ans. Ses reliques sont vénérées à la basilique San Pancrazio, à Rome, érigée en son honneur en 604, tricentenaire de son martyre, par le pape saint Symmaque

Saint-Servais

 Célébré le samedi 13 mai 2024, il fut évêque de Tongres en Belgique, décédé en 384, considéré comme le premier évêque attesté du Civitas Tungrorum, et dont la fête est célébrée dans l’Église catholique.

D’autres traditions, d’autres Saints

Saint-Yves s’ajoute le vendredi 19 mai 2024 et Saint-Urbain rallonge la liste le jeudi 25 mai 2024.

Ces trois saints sont souvent accompagnés d’autres figures dans différentes régions, en fonction des traditions locales et des préoccupations climatiques spécifiques. Par exemple, Saint Boniface, traditionnellement célébré le 14 mai, est cité dans de nombreux dictons populaires, notamment dans les régions méridionales où il remplace parfois Saint Mamert en tant que premier Saint de glace. Sainte Sophie, commémorée le 15 mai, est appelée « la froide Sophie » dans certaines régions comme l’Alsace, où elle est associée à une période de gelées tardives. De même, Saint Yves, le 19 mai, est considéré comme le dernier saint de glace en Bretagne, tandis que Saint Bernardin, le 20 mai, est lié à la tradition viticole avec le dicton “S’il gèle à la Saint-Bernardin, adieu le vin”.

Les saints de glace varient également selon les régions et les pays. En Italie du Nord, par exemple, San Pancrazio, San Servazio et San Bonifazio sont célébrés les 12, 13 et 14 mai respectivement.

N’oublions pas les Saints Cavaliers

Dans le Midi de la France, où les gelées tardives peuvent être particulièrement dévastatrices pour les cultures, on invoque ce que l’on appelle les « saints cavaliers » ou « saints chevaliers ». Ces saints, dont les fêtes s’étendent du 23 avril au 6 mai, incluent Saint Georges (23 Avril), Saint Marc (25 Avril), Saint Eutrope (30 Avril), Saint Philippe (ou la fête de la Sainte Croix le 3 mai) et Saint Jean Porte latine (6 Mai). Leurs noms sont souvent diminutifs en langue d’Oc, tels que Jorget, Marquet, Tropet, Philippet, Crozet et Joanet.

Vignes au soleil couchant

Les Saints grêleurs ou Saints vendangeurs

Dans d’autres régions, comme les Landes et le Gard, les saints météorologiques sont également considérés comme des indicateurs critiques pour les agriculteurs.

Les dictons associés à ces saints reflètent les préoccupations agricoles locales. Par exemple, le dicton « Marquet, Georget et Philippet sont trois casseurs de gobelets » met en garde contre la grêle qui peut endommager les vignes pendant les fêtes de ces saints.

À Béziers, Saint Georges, Saint Marc et Saint Aphrodise sont particulièrement redoutés, car ils sont associés aux tempêtes de grêle et aux dommages potentiels pour les récoltes.

Par exemple, dans les Landes, les fêtes de Saint Marc, de Saint Vital et de la Sainte Croix sont appelées « les trois marchands de vin », car elles coïncident avec une période critique pour la vigne.

Les Saints de glace à l’ère du changement climatique : entre tradition et adaptation

Ces saints sont associés à une période de transition entre le printemps et l’été. Cette période de l’année marque la fin des gelées printanières. Bien que statistiquement, le gel survienne très rarement lors des saints de glace, la tradition millénaire persistait jusqu’à présent.

Mais n’oublions pas que les saints de glace étaient fondés surtout sur des probabilités statistiques de gel.  Avec un recul sur des centaines, voire milliers d’années, une fois passées les dates des 11, 12 et 13 mai, les périodes de gel sont assez peu probables. Avec le réchauffement climatique, cette période peut-elle rester une référence fiable ? Autrement dit, Saint Mamert aurait-il pensé que 1550 ans plus tard notre monde doive affronter le réchauffement climatique ? Aurait-il été fâché que le changement climatique puisse effectivement changer complètement la donne et modifier la pertinence des saints de glace en tant qu’indicateur pour les plantations. Agriculteurs et arboriculteurs pourraient bien en effet devoir s’adapter à ces changements climatiques en observant de tous nouveaux modèles météorologiques. Du coup, il leur faudrait ajuster leurs calendriers de plantation en conséquence.

Certains jardiniers attendent généralement la mi-mai pour planter en extérieur les plantes gélives, telles que les tomates et les courgettes. En attendant, vous pourrez toujours préparer la terre avec une grelinette pour être prêt lorsque les gelées ne seront plus à craindre.

grelinette dans un jardin

Et tous ceux qui comme moi, ne savaient pas à l’époque, ce qu’était une grelinette, la voici en photo.

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