L’Artiste – épisode 3

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Voici les épisodes précédents pour vous rafraîchir la mémoire !

Elle en pleurait. Joseph vint à la rescousse, prodigua conseils et encouragements. En vain. Séraphine avait toujours eu un petit faible pour Joseph et, pour lui plaire, persévéra. Mais sans plus de résultats. Le violon s’obstinait à miauler, à grincer atrocement. Impossible de faire entendre des sons aussi déchirants aux passants. Les moins doués pour la musique se fussent enfuis. Il fallut abandonner. 

Pendant un certain temps, Joseph n’entendit plus parler de Séraphine. Et puis, un beau jour, il trouva, en rentrant chez lui, un mot d’elle. Un simple bout de papier hâtivement griffonné. Elle lui demandait de passer chez Glissando. Il n’y avait pas d’autre explication. Joseph s’inquiéta. Glissando était-il malade ? C’est vrai qu’il n’allait pas fort, ces derniers temps, le pauvre harpiste. Les échecs musicaux de Séraphine n’avaient pas contribué à améliorer sa santé chancelante. II avait encore maigri. Joseph songea qu’il y avait plusieurs semaines, maintenant, qu’il ne les avait rencontrés, sa fille et lui. Et il reconnut que Séraphine, au fond, ne lui était pas absolument indifférente. Le temps d’avaler un morceau, et il s’en alla frapper à la porte du harpiste. 

A peine Séraphine lui eut-elle ouvert qu’il se rendit compte qu’il y avait, comme on dit, « du nouveau ». Un changement considérable, une sorte de bouleversement. Joseph en perdit le souffle et, de surprise, ne trouva d’abord rien à dire. Il se laissa conduire à un siège et ses yeux éberlués allaient de Séraphine à Glissando, et de Glissando à Séraphine. Les deux souriaient. Le harpiste, malgré sa cécité, sentait parfaitement l’ahurissement de Joseph et il en jouissait autant que sa fille. 

Le gros lot ? articula enfin Joseph. 

Séraphine était méconnaissable. Souliers à talons hauts, robe seyante, coiffure à la mode, un soupçon de rouge à lèvre, parfumée, bref presque ravissante. Et Glissando, dans une veste de velours grise et avec sa Lavallière toute neuve, avait tout à fait l’air d’un artiste, d’un vrai. 

Sur la table, Joseph aperçut une bouteille de Bordeaux et un plat de biscuits. 

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@Ahtziri Lagarde

Eh bien ! Qu’est-il arrivé, si ce n’est pas le gros lot ? 

Je travaille, fit fièrement Séraphine. 

Et comme tout de suite elle sentit que le mot avait heurté Joseph, elle rectifia : 

Je me suis engagée aux Galeries Laffite, rayon parfumerie. 

Alors, ajouta Glissando, on va fêter son premier salaire. On a pensé à toi. Tu as toujours été un ami. 

Séraphine déboucha la bouteille. 

A ton bonheur, Séraphine, s’écria Glissando lorsque sa fille lui eut tendu le verre qu’il levait avec précaution maintenant. 

A ton bonheur, répéta Joseph. 

Il était ému qu’on eût songé à l’associer à cette fête et ressentait néanmoins un vague malaise. Il en voulait à Séraphine de sa métamorphose, de son ralliement à l’ordre bourgeois. C’était tout de même une sorte de trahison. 

— Le terme est peut-être un peu fort, se disait Joseph. Mais il y a de ça… 

Il ne pouvait s’empêcher d’admirer la transfuge. 

Séraphine devinait parfaitement ce qui se passait dans le crâne de Joseph et que sous ses compliments il dissimulait une déception. 

Vois-tu, Joseph, dit-elle, je n’avais pas de talent. 

A suivre…

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