Cette jeune femme allait s’avérer être l’éblouissante Magali ! Tel fut la dernière phrase du 1er épisode de Ah Magali, raconté par le comte de Grandvaux.
Après plusieurs heures de train depuis Paris, il arrive enfin à la gare Saint-Charles de Marseille. Et là, stupeur, un belle trentenaire veut l’emmener dans l’un des quartiers emblématiques de Marseille, alors qu’il sait que son vieil ami l’attend à Cassis. La rédaction
Magali avait une peau bronzée. Normal, nous étions justement le 22 juillet comme je l’ai dit plus haut,. j’avais devant moi Pari en plus claire, en plus petite et tout autant ravissante. En Inde, je n’avais jamais bien compris pourquoi les Anglais à peau très, très claire méprisaient encore tellement les personnes à peau plus foncée, malgré la grande beauté des gens de couleur. J’eus l’occasion de voir ce que le racisme avait d’exécrable. En effectuant quelques recherches historiques, j’appris que la notion de peau blanche naquit au moment des thèses racistes et de l’esclavagisme. Très tôt… quelque chose comme au XVIe siècle. Que de drames y eut-il. Combien de siècles les personnes à couleur de peau différente eurent-elles à souffrir du mythe occidental de « la race blanche » ? Et puis pour les besoins de mes fonctions professionnelles, j’avais dû me déplacer à Goa pour trois mois.
Goa, État de la côte sud-ouest de l’Inde, fut une colonie portugaise du XVIe siècle jusqu’à son intégration à l’Inde en 1961. Le Konkani est la langue officielle, mais le portugais a évidemment aussi laissé une très grande influence tant pour son architecture coloniale portugaise que sa cuisine. Sa gastronomie est d’ailleurs encore et toujours renommée pour ses saveurs épicées et vous avez intérêt à répéter sans cesse não muito picante, por favor ou not too spicy please. Ce qui me surpris infiniment fut le métissage que j’y trouvais. Il n’y avait pratiquement pas à cette époque de ma venue de discrimination raciale. Et je compris aussi pourquoi. Tant pour les Espagnols que pour les Portugais qui colonisèrent leurs conquêtes, il ne fut presque jamais question de racisme discriminant.
A Marseille aussi il y a avait eu depuis des millénaires un métissage impressionnant.
Les étrangers sont toujours surpris par la beauté maritime de Marseille. Mais je sais aussi que cette ville regorge de merveilles. Celles des magnifiques palais. Je me souvenais avoir, il y avait bien longtemps, lors d’un congrès été invité par un préfet de l’époque. Et monté ces escaliers majestueux.
Voilà où j’en était en pensées en descendant du train lorsque cette belle brune, après avoir rapidement consulté son smartphone, s’approcha de moi à grand pas et me demanda si je me prénommais François.
Etais-je dans la bonne pièce de théâtre ? Car tout ce qu’il m’arrivait à l’instant me fit l’effet de jouer un rôle d’acteur. Mais après tout, ne sommes-nous pas toujours à tout moment des acteurs de notre vie ? Et notre vie, – tout comme la magie d’un spectacle –, ne dépend-elle pas de ce qui se passe d’abord dans les coulisses ? Et des décors stockés dans les coulisses, assemblés comme un puzzle pour créer l’ambiance de la pièce ? Ce qui se passe derrière les rideaux détermine d’ailleurs très souvent le succès d’une pièce. Alors qu’allait être ma pièce avec cette jeune femme ? Un poème potentiel ? Après mes misères auprès de Pari, j’avais envie de communion d’âme, de joie et de bonheur. Il y aurait certes fallu ajouter encore de l’amour. Mais là, bien que je sache que c’est l’amour qui est le plus important dans une vie, je n’osais pas y croire. Sa voix claire, rieuse et chantante me charma immédiatement. Allais-je en tomber amoureux ? Sa chevelure se déployait telle une cascade d’ébène. Ses grands yeux bruns me semblaient être de scintillants joyaux.
- Oui, fis-je à moitié hypnotisé. Qui êtes-vous ?
- Magali ! C’est mon père qui m’envoie vous chercher à la gare.
- Votre père ? Mais voyons Madame, mon vieil ami Adriano m’attend à Cassis !
Magali rit de bon cœur en me voyant aussi étonné.
- Non, non, nous demeurons à Marseille maintenant.
- Mais je lui ai téléphoné hier depuis Paris et il ne m’a rien du tout dit.
- Il a gardé le même numéro de son portable. Pendant que vous étiez en Inde, nous avons déménagé. Il voulait vous en faire la surprise…
Bon, cette jolie fille savait du moins que je débarquais d’Inde. J’ai dû faire une moue passablement dubitative qui l’a fait éclater de rire. Ben oui, même si par la suite j’allais tomber éperdument amoureux de Magali, son accueil était tout de même surprenant. Et puis, ne m’étais-je juré de ne plus jamais tomber amoureux ? N’avais-je pas subi assez de chagrin d’amour dans ma vie ? Je dévisageais cette jeune femme en lui demandant :
- Que voulez-vous dire par nous ?
- Eh bien, vu mes difficultés, la maison ici est tellement grande que moun papo m’a aménagé un chouette appartement.
« Ouille ! » me suis-je dit. Une si jolie femme qui annonce clairement qu’elle a des difficultés. L’ennui avec moi, c’est que lorsque je trouve une femme attirante, le fait qu’elle ait des difficultés ne me refroidit pas, bien au contraire !
C’est comme si j’avais une nature de chien de catastrophe, sens olfactif en moins, évidemment.
- Si vous êtes bien la fille de mon ami Adriano Martignoni, dites-moi où se situait votre magnifique maison ?
- « Rien de plus simple à la rue (YX no 9), au Cap Canaille », me répondit-elle avec un sourire éclatant.
Je me rappelais ces petits ports de Méditerranée que j’affectionnais.
- L’un de nos cousins provenant d’une lignée de rocailleurs italiens lui a vendu une maison assez particulière et surtout grande à la Corniche de Marseille.
Lisant mon étonnement sur mon visage, car la rue au Cap Canaille de Cassis s’avérait exacte, elle poursuivit :
« Je sais, mon père ne parle guère de moi, son aînée, à ses amis lointains. S’il parle de nous, ses filles, c’est plutôt ma sœur cadette qu’il évoque, car chez elle tout baigne.»
Je fis mentalement le calcul de l’âge de Magali. Elle devait avoir approximativement 35 ans et j’eu la conviction que Magali qui pouvait très bien être la fille de mon vieil ami et qu’elle ne me mentait pas. Ce qui me plaisait surtout, c’est qu’au cas où nous entamerions une relation quelconque, je n’avais qu’un lustre de plus qu’elle. A cet âge-là, 5 ans de plus n’entraînaient aucune conséquence fâcheuse. Et c’est vrai, après tout, ayant quitté Mumbai le cœur gros, envisager de refaire sa vie – comme on dit – avec une femme qui, d’emblée me semblait me plaire n’était pas une possibilité inenvisageable. Bien que la lenteur de la relation avec Pari, m’ait repoussé dans mes derniers retranchements, foncer tête baissée m’aurait paru une légèreté bien téméraire. Et pourtant bien que je sois cosmopolite, Marseille a toujours eu une étrange manière de me captiver.
Tout comme Magali, d’ailleurs.
- Rocailleurs ? fis-je pour entretenir la conversation
- Oui, rocailleurs ; d’ailleurs, je vous expliquerai ce que c’est, qu’un rocailleur. Le cousin en question venait d’une lignée de rocailleurs italiens très célèbres qui émigrèrent ici au siècle dernier, en même temps que les grands-parents de mon père. Vous savez, les Italiens n’ont pas eu la vie facile lorsqu’ils quittèrent leur patrie. A l’époque, on n’aimait pas les Italiens. Point barre.
- Ça n’a pas beaucoup changé en plus d’un siècle, sauf que les migrants viennent d’ailleurs. Et les répercussions économiques de l’immigration ne sont de loin pas comprises correctement. Je veux dire dans une Europe qui vieillit.
- Allez savoir si l’Union européenne est prête à subir une telle invasion. Je ne sais pas, je ne fais pas de politique, moi. Dans l’après-midi, je vous emmènerai à la fête de la Sainte Magali ce soir. Venez, notre voiture est garée non loin d’ici, je vous emmène chez nous, à la Corniche…
Nous traversâmes la place. Magali avait de longues jambes et à grandes enjambées, – ce qui fut pour moi presque du forcing avec mes bagages–, nous atteignîmes le parking. Devant un nombre incroyable de voitures en stationnement, elle mit soudain son pouce et son index dans sa bouche, siffla vigoureusement et à cet instant, je fus éberlué.
à suivre