L’hypertypie animale… une aberration !

un petit chien triste sur un lit
©Neil Cooper

L’hypertypie animale est un phénomène consistant à accentuer à l’extrême certains traits morphologiques ou comportementaux propres à une race animale domestique. Et ceci bien au-delà du standard de la race. Ainsi, les vaches laitières hypertypées produisent beaucoup de lait, mais sont en revanche beaucoup plus sujettes aux mammites ou aux problèmes de fertilité. Les chats persans, eux, ont des yeux qui coulent et présentent des problèmes dentaires à cause de leur face plate. L’hypertypie animale prétérite le bien-être animal et  donc sur la sellette ?  Nous avons demandé à notre experte, Sonia Martin, fondatrice de l’Ecole suisse de naturopathie animale (ESNA) de se pencher sur ce problème qui nous paraît éthique. La rédaction 

La Norvège a récemment interdit l’élevage de chiens Cavaliers King Charles, considérant que la plupart de ces chiens présentent des caractéristiques physiques qui avaient un impact négatif sur leur bien-être[1].
Mais ce ne sont pas les seuls animaux à être hypertypés. On observe de plus en plus d’individus hypertypés chez les chats, les bovins, les chevaux, les porcs, les lapins…

En quoi consiste réellement une hypertypie ?

Dans le domaine de l’élevage et de l’anatomie animale, une hypertypie est une accentuation extrême de traits propres à une race. Même si les organismes de protection des animaux s’insurgent de plus en plus contre ce phénomène, les éleveurs créent encore trop souvent des hypertypes, en relation avec les concours de beauté et de présentation. Et cela même si les critères esthétiques génèrent une souffrance de l’animal.

Chez les chiens et les chats de race, des standards définissent les caractéristiques désirées chez les individus de la race. L’interprétation inadéquate de ces standards –notamment par les juges et les éleveurs –, peut conduire à sélectionner des animaux présentant des exagérations par rapport au type recherché. 

Au début et avec l’habituation, il est difficile de remarquer le phénomène, mais au bout de plusieurs générations, on peut voir ce changement.

Ce phénomène de mode est en expansion. D’après l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (AFVAC), l’hypertypie est alimentée :

  • par la demande croissante de compagnons originaux ou présentant des caractéristiques attendrissantes ou hors-normes (très petits, très grands, nus…) 
  • par la sélection effectuée par certains éleveurs, car les animaux hypertypés se vendent plus facilement 
  •  par certains juges en expositions qui récompensent des animaux hypertypés 
  • par l’utilisation d’animaux hypertypés dans des publicités


Les conséquences

Un chat persan hypertypé

Lorsque le nez est trop raccourci et/ou la tête trop globuleuse, l’animal peut souffrir de problèmes respiratoires et dentaires… C’est souvent le cas chez les races brachycéphales ( à têtes courtes), qui correspondent à des animaux au crâne plus large que long (chat persan, chien bouledogue français ou anglais, par exemple). 

Chez les races pour lesquelles on a privilégié des caractères qui rappellent un aspect juvénile (tête ronde, grands yeux), comme le cavalier king charles, les animaux hypertypés peuvent souffrir d’une compression ou de malformations de la moelle épinière lorsque leur boîte crânienne est réduite.

Certains animaux hypertypés sont prédisposés aux ulcères de la cornée et aux luxations oculaires à cause de leurs yeux proéminents, comme chez les carlins et les pékinois. 

Dans certains cas extrêmes, le chien risque une dysplasie de la hanche et des problèmes locomoteurs en raison d’une ligne du dos trop affaissée. C’est un problème que l’on trouve chez le berger allemand hypertypé. 

Un berger allemand hypertypé

L’hypertypie peut également entraîner des troubles du langage corporel, par exemple, l’incapacité à adopter la posture d’appel au jeu chez les teckels et les bassets. 

Mais les conséquences de l’hypertypie se répercutent également sur le détenteur de l’animal qui peut se voir contraint de lui apporter des soins à vie et de recourir à des interventions chirurgicales coûteuses.

Il s’agit également d’un problème sociétal, car les animaux hypertypés risquent davantage d’être abandonnés en raison du coût élevé qu’entraînent leurs problèmes de santé.
Souhaitons que tant les éleveurs que les acheteurs d’animaux de race prennent conscience des problèmes qu’engendrent les hypertypies et optent pour des animaux « normotypés » qui pourront jouir d’une vie sans inconfort ni douleurs.

Et si vous souhaitez acquérir un animal, pensez que les refuges sont remplis de chiens et de chats en attente d’adoption. Ils vous donneront autant d’amour que s’ils avaient un pedigree !

affiche_afvac_hypertypes_A4

Sonia Martin, naturopathe animalière, conférencière.

Fondatrice et CEO de l’Ecole Suisse de Naturopathie pour Animaux (ESNA).

Prochain cursus : septembre 2024  www.esna-formation.com


[1] En l’occurrence une boîte crânienne trop petite ne laissant pas assez de place au cerveau.

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