Nous avons publié dernièrement l’interview de Raphaël Colicci intitulé :
qui évoque le changement climatique sous un autre angle. Mais il y a un élément dont on parle rarement et qui, pourtant, joue un rôle extrêmement important, voire crucial, dans le changement climatique. En lisant cet article vous comprendrez encore mieux les mérites de l’action humanitaire de Raphaël Colicci. Le jet stream… un mystère ? Nous avons donc demandé à notre journaliste scientifique de nous éclairer à ce sujet. La rédaction
Pour répondre directement à la question de la rédaction, je dirai « oui et non ». Pourtant, je ne voudrais pas que l’on interprète mes dires comme une réponse de Normand et vous allez comprendre pourquoi. Le jet stream est un courant d’air rapide, puissant et étroit, circulant dans l’atmosphère de la Terre et d’autres planètes et ceci d’ouest en est dans la haute atmosphère. De fait, il se forme à proximité de la tropopause, entre la troposphère et, selon sa position, la stratosphère, peut être polaire ou subtropical.
Le jet stream joue un rôle majeur dans la circulation atmosphérique et la cyclogénèse des systèmes météorologiques. La cyclogénèse, elle, est le processus de formation ou d’intensification d’un cyclone, c’est-à-dire d’une zone de basse pression atmosphérique où l’air tourne dans le sens inverse des aiguilles d’une montre dans l’hémisphère nord, et dans le sens des aiguilles d’une montre dans l’hémisphère sud. La cyclogénèse dépend d’ailleurs de plusieurs facteurs, telle que la température de la surface de la mer, l’humidité de l’air, le cisaillement du vent, la force de Coriolis1, et la présence d’une perturbation préexistante.
Bref, la cyclogénèse a des impacts importants sur la météorologie et le climat de la Terre, car elle est responsable de la formation de phénomènes météorologiques variés, comme les vents, les nuages, les précipitations, les orages, les tempêtes, etc.
Le jet stream a été découvert en 1939 par le météorologue japonais Wasaburo Oishi, qui a utilisé des ballons-sondes pour mesurer les vents d’altitude. Est-ce que cela vous rappelle l’incident des ballons chinois de 2023 ? 2 A mon avis, rien à voir avec la Seconde Guerre mondiale, puisque le Japon n’est entré dans le conflit que deux ans plus tard, en 1941.
La structure du jet stream est complexe et variable. Il suit généralement un trajet courbe et sinueux, qui peut démarrer, s’arrêter, se diviser, se combiner ou changer de direction.
Plusieurs facteurs d’influences
Il existe effectivement plusieurs facteurs influençant la formation et surtout le comportement du jet stream :
- Rotation de notre planète bleue
- Réchauffement inégal de l’atmosphère par le rayonnement solaire
- Différence de température et de pression entre les masses d’air
- Influence des reliefs montagneux
- Force de Coriolis
Le jet stream a un impact important sur le temps, le climat et le transport aérien. Il délimite les zones de conflit entre les masses d’air ayant des propriétés différentes, appelées fronts, dans lesquelles se forment les systèmes dépressionnaires et anticycloniques. Naturellement, le jet stream influence également la trajectoire et l’intensité des cyclones tropicaux, des tempêtes de neige et des orages. Il modifie le climat régional en transportant de l’air chaud ou froid, de l’humidité ou de la sécheresse, selon sa position et sa direction. Enfin, il affecte énormément le transport aérien en augmentant ou en réduisant la vitesse et la consommation de carburant des avions, selon qu’ils volent avec ou contre le jet stream.
©ekky-wicaksono
Enfin, le jet stream influence la météo et le climat de notre planète, en transportant des masses d’air, soit chaud ou alors, au contraire, froid, des nuages, des précipitations, etc. Le jet stream est formé par la différence de température entre les régions polaires et les régions tropicales. Plus cette différence est grande, plus le jet stream est fort et régulier. Or, les émissions de gaz à effet de serre provoquent le réchauffement climatique qui réduit alors cette différence de température, car il faut bien que je vous dise que le jet stream affecte davantage les régions polaires que les régions tropicales. Autrement dit, l’Arctique se réchauffe deux fois plus vite que le reste de notre planète, ce qui entraîne la fonte des glaces et la diminution de l’albédo3.
Le jet stream devient alors plus faible et plus irrégulier, avec des oscillations plus marquées et plus persistantes. Il peut former des boucles qui descendent très au sud ou remontent très au nord, créant des situations de blocage qui empêchent le déplacement des masses d’air. Ces situations dites de blocage, peuvent alors évidemment entraîner des phénomènes météorologiques extrêmes. Avez-vous souffert de vagues de chaleur ? Ne cherchez pas plus loin : jet stream ! Avez-vous anormalement grelotté à cause des vagues de froid ? Vécu des sécheresses ?
Notre ami Raphaël Colicci confirmera sans nul doute mes dires.
Vous avez subi des inondations, des tempêtes ? Encore lui, le jet stream !
A la fois victime et acteur
Croyez-moi, je n’exagère pas. Le jet stream est véritablement à la fois une victime et un acteur du changement climatique. S’il subit effectivement les effets du réchauffement de notre mère la terre, il les amplifie aussi. Pourquoi ? Parce qu’il modifie la répartition de l’énergie et de l’humidité sur notre globe ! Les milieux scientifiques s’efforcent de mieux comprendre et de mieux prévoir les variations du jet stream. C’est crucial, car ces variations-là ont des impacts importants sur la vie des populations, l’agriculture, les transports, la santé, etc. Nous savons tous que le réchauffement climatique s’accélère à un rythme sans précédent. Nous savons aussi que le niveau de la mer s’élèvera inexorablement, mais quand ? Raphaël Colicci que notre magazine suit maintenant depuis plusieurs mois dans sa mission humanitaire au Cap Vert nous l’a confirmé. Le Cap-Vert bénéficie d’un climat tropical et semi-désertique, avec des températures moyennes comprises entre 20 et 30°C toute l’année. Il y a deux saisons principales : la saison sèche, de novembre à juillet, et la saison des pluies, d’août à octobre. La saison sèche est marquée par la présence des alizés, des vents forts et constants qui soufflent du nord-est. Ces vents apportent de l’air sec et frais, et rendent la mer agitée. La saison des pluies est plus chaude et plus humide, avec des précipitations irrégulières et parfois abondantes. C’est aussi la période où le Cap-Vert peut être touché par des cyclones tropicaux, qui se forment dans l’Atlantique sous l’effet du jet stream. Sur l’île de Maio, il y a plus d’une dizaine d’années qu’il n’y avait plus eu de pluie.
Le jet stream influence donc le climat du Cap-Vert, en modulant la force et la direction des vents, la température et l’humidité de l’air, et la formation des perturbations atmosphériques. Et comme dans l’archipel du Cap-Vert la navigation maritime joue un rôle essentiel, le jet stream peut donc aussi rendre ce mode de transport beaucoup plus difficile, en créant des vagues et des courants marins plus forts.
©silas.baisch
Alors, c’est absolument certain, le jet stream a évidemment des conséquences sur l’agriculture, et ce aussi bien à la Ferme qui soigne qu’à Maio ou partout ailleurs dans le monde, du reste. Regardez :
Dire que Maio était une île quasi désertique. L’aide qu’il apporte à la population est exceptionnelle, d’où la volonté de la rédaction d’en parler haut et fort.
En faisant reverdir cette petite île perdue dans l’immensité de l’Océan sous le nez du jet stream, Raphaël Colicci se joue de ce capricieux courant d’air, grâce à tous les subterfuges qu’il a su mettre en œuvre, mais qui implique aussi, il faut bien le dire, une aide financière à son association.