Guérir de l’anorexie implique de s’affranchir de son entourage. Notre spécialiste Ariane Vlérick, bioingénieur et docteur en sciences de la vie nous a exposé les enjeux dans le premier volet de son article :
Dans ce 2e volet, elle nous fait part des étapes à entreprendre. La rédaction .
Envisager la participation active, dans la réalisation d’un objectif personnel, de ses proches dont on doit se détacher pour se libérer n’a pas de sens. C’est pourquoi, même si je n’ai pas eu l’occasion de le vivre, je prône un isolement tout au moins provisoire du lieu conflictuel qui est souvent la famille. J’encourage à ne pas entraver le processus de développement de sentiments de révolte envers ce qu’on a adoré et qui nous brûle. C’est une étape inévitable. A condition, bien sûr, de veiller à ce que ce combat ne devienne pas, à son tour, une nouvelle obsession.
Comment restituer à ces filles/femmes leur très grande motivation, leur volonté à tout fendre ?
Dans l’âme, ce sont des battantes et des exigeantes. Et leur force de caractère, elles ne l’ont pas perdue en sombrant dans l’anorexie. Au contraire ! Leur énergie est tout simplement canalisée dans la pire des directions : celle de l’autodestruction. Et c’est là que se trouve la clé.
Il existe chez les anorexiques une propension inconsciente à s’automotiver pour mieux sombrer. Dès lors, le développement des groupes thématiques virtuels non encadrés représente pour moi un danger redoutable. Si j’estime que des approches de type ateliers sont intéressantes, je pense qu’elles ne doivent surtout pas prendre en charge l’aspect alimentaire. Bien entendu, la menace de mort engendrée par la dénutrition doit être considérée avec grande attention, mais dans une autre sphère.
Pour une solution à long terme, il faut à tout prix parvenir à régler le trouble du comportement alimentaire sans évoquer la nourriture.
Car il est bien clair que le problème ne se situe pas au niveau du contenu de l’assiette.
Pour Gérard Apfeldorfer, psychiatre et psychothérapeute, la personne sujette à ces troubles souffrirait d’un excès de sensibilité au monde allié à un défaut d’intériorité. « Résoudre ses problèmes passe par une modification de ses rapports avec soi, les autres et le monde. Jeûner est un moyen privilégié de rupture avec la matérialité, un mode d’accès à la transcendance, une quête de pureté voire un rejet de toute corporéité » écrit-il dans son ouvrage.[1]
Revenons aux susdits ateliers. Ils pourraient être destinés à cibler les réels désirs et centres d’intérêts masqués par l’obsession de la ‘bouffe’, à cerner ce que l’on souhaite réaliser, à trouver en soi l’énergie et la confiance nécessaires à l’entreprise. Tout objectif atteint procure un singulier bien-être et flatte un peu l’ego. Il s’agit d’une étape non négligeable sur le chemin de la guérison. Le premier objectif atteint donne lieu à l’envie d’en réaliser un autre.
C’est par une succession de buts fixés et atteints que je suis parvenue, doucement, lentement, de manière un peu chaotique, à retrouver petit à petit un appétit de vivre. L’appétit au sens propre du terme n’en est finalement que la conséquence logique.
Le danger de cette démarche réside en la fixation d’objectifs irréalistes menant invariablement à un échec insurmontable amplifiant le sentiment déjà présent de ne pas être à la hauteur. C’est donc précisément là que se situe la nécessité d’un encadrement approprié. Avec le temps, on finit par aborder les échecs avec une plus grande sérénité et se dire que ce n’est qu’une expérience parmi d’autres, sans y attacher une plus grande importance. Un échec atteint alors sa juste valeur : une expérience formatrice pour l’avenir.
En résumé…
Il m’apparaît indispensable de détourner l’attention des anorexiques de la nourriture en les aidant à (re)développer leur passion pour un sujet qu’elles choisiraient elles-mêmes, parce qu’il leur tient à cœur.
Ce sont des personnalités très actives de nature et douées, dès leur enfance. Elles ont une perception et une compréhension des situations supérieures à la moyenne. Ce serait une erreur d’étouffer ces qualités. Un excellent point de départ serait de parvenir à détourner une partie de l’énergie utilisée à des fins d’autodestruction vers une production concrète et positive. Mon expérience m’incite à penser qu’il est bon de laisser libre cours au mode de pensée symbolique où nombre de ces patientes excellent. Je les encourage vivement à l’expression artistique et corporelle permettant une extériorisation des émotions, une rupture du contrôle absolu des pulsions.
Si se nourrir est indispensable à l’existence, ne voyez surtout pas dans le jeûne l’envie de mourir…
Aurore Castelnau – A chaque vie d’être vécue 1
Dans mon esprit qui, par la maladie, échappait à toute pensée rationnelle, ma démarche n’avait rien d’un suicide. Je jouissais de voir mon enveloppe charnelle perdre tout relief, je pensais que mon âme continuerait sa route, désincarnée, et peut-être aurait-ce été le cas…
Mais au fil du temps, j’ai réalisé que j’avais encore bien des missions à accomplir sur notre planète, qu’il était trop tôt pour moi de m’en aller et que, tant que je vivrais en ce monde, je me devais de faire de mon corps mon meilleur allié. Car c’est justement lui qui, sur Terre, abrite mon âme. C’est quand même lui qui m’avait menée au pays des Étoiles ! C’est le langage spécifique du corps qui m’avait occupée depuis tant d’années et que je souffrais de ne plus pratiquer, parce que j’avais arrêté de danser…
1 Remarque de la rédaction. Aurore Castelnau est le pseudonyme d’Ariane Vlérick. Lisez la recension de son ouvrage
[1] Gérard Apfeldorfer – Anorexie, boulimie, obésité Dominos Flammarion