Vous êtes très nombreux à bien aimer les articles de fond du comte, qui, comme vous le savez, est assez érudit dans son genre et dont l’originalité ne cesse de nous étonner. Aujourd’hui, il nous propose son angle de vue sur… la joie ! La rédaction
Quoi de neuf sous le ciel bleu qui nous manque si cruellement ? Comme je voudrai vous montrer que je tente tous les jours de vivre la joie à ma manière, disons qu’au jour où je vous écris cet article, poétiquement parlant, les nuages d’ébène déversent leurs larmes sur de vastes territoires du sud de la France ou en Toscane, inondant ces splendeurs de leur chagrin céleste. Le mois de novembre n’est, lui, pas non plus hélas ! celui où les gens déprimés découvrent la joie, à moins toutefois de bénéficier de luminothérapie. Depuis Spinoza, au 17e siècle et son ouvrage intitulé « Ethique », innombrables ont été ceux qui se sont consacrés ‘à décrire la joie. Victor Hugo, Georges Bernanos, Robert Misrathi, Frédéric Lenoir, le neurologue américain Antonio Damazio[1]et tant d’autres l’ont évoquée dans leurs œuvres. Alors pourquoi à nouveau présenter la joie que l’on a envie de vivre ? D’une part, parce que dans aucun des innombrables ouvrages consultés, les auteurs n’évoquent ni la musique, ni les arts ni non plus la nature et ne parlent peu ou prou pas ou alors trop peu de personnages extraordinaires cultivant l’art de la joie.
Commençons, si vous le voulez bien par deux morceaux de musique que je mélange sciemment, au gré des époques où ils ont été composés.
Regardez et écoutez :
Charles Trenet a écrit les paroles de la chanson “Y a d’la joie” en 1936 alors qu’il effectuait son service militaire à la caserne d’Istres. Je lui ai emprunté le titre pour mon article. Cette chanson a été enregistrée pour la première fois en janvier 1938. Elle est devenue l’un de ses plus grands succès. Peu de personnes se doutaient que le monde traverserait une des périodes les plus sombres de notre civilisation.
Il y a 300 ans, alors que la rivalité entre la France et l’Angleterre pour la domination coloniale continuait à s’intensifier, posant les bases de futurs conflits, telle la guerre de Sept Ans, Jean-Sébastien Bach composa “Jésus que ma joie demeure” en 1723.
Ecoutez la merveilleuse interprétation de la harpiste Anna Wengreen.
La joie dans les arts
Evidemment, les peintres ont – eux aussi – exprimé la joie dans leur œuvre.
Parmi les innombrables œuvres célébrant la joie , je vous ai retenu deux peintures.
L’œuvre “La Joie” de Marc Chagall peut être admirée au Musée National Marc Chagall à Nice, en France. Ce musée est dédié à l’œuvre de Chagall et abrite une vaste collection de ses peintures, dessins, gravures et sculptures.
Voyez comme il est curieux que deux grands artistes aient pris la danse comme motif pour illustrer la joie.
La Danse est une œuvre emblématique d’Henri Matisse, réalisée entre 1931 et 1933. Cette série de peintures murales a été commandée par le collectionneur américain Albert Barnes pour la Fondation Barnes près de Philadelphie (photo prise à la fondation par l’auteur).
La couleur joue un rôle crucial dans l’art en influençant les émotions et l’humeur des spectateurs.
Le jaune est souvent lié à la joie et à l’optimisme, tandis que le rouge peut évoquer la passion et l’énergie. Les artistes utilisent des combinaisons harmonieuses de couleurs pour créer des œuvres qui suscitent des sentiments de bonheur et de bien-être. Des couleurs vives et saturées peuvent dynamiser une œuvre et transmettre une sensation de vitalité et de joie. Par exemple, dans ses œuvres, Henri Matisse utilise souvent des couleurs intenses pour créer une atmosphère joyeuse et énergique. L’utilisation de la lumière et du contraste peut également influencer la perception de la joie. Une lumière vive et éclatante peut évoquer l’optimisme et la gaieté, tandis que des contrastes forts peuvent ajouter du dynamisme à une composition. La Danse, d’Henri Matisse, ci-dessus est représentée par des figures nues en mouvement circulaire, symbolisant l’harmonie et surtout la joie de vivre. Les personnages sont réduits à l’essentiel et ont une couleur de peau uniformisée.
À l’époque de sa création, la Danse n’a pas toujours été bien reçue. Certains critiques ont trouvé la nudité des personnages choquante. On était en 1935. Ah, c’est que les temps et les mœurs ont bien changé depuis 1968 où tout a commencé à basculer. Et aujourd’hui, 56 ans plus tard, en 2024, mes chères lectrices et chers lecteurs, imaginez la réaction des critiques de l’époque s’ils voyaient nos tendances actuelles. Les thèmes abordés dans le 7e art d’aujourd’hui, tels que la sexualité explicite, auraient probablement laissé les critiques de 1935 bouche bée ! Ils les auraient censurés voire interdits !
La joie … un petit bonheur contagieux ?
Oserais-je prétendre que la joie est surtout une lumière intérieure ? Oui ! Regardez cette photo :
Jalia, 6 ans, pour la toute première fois de sa jeune vie, elle a retrouvé la vue grâce à l’intervention chirurgicale des plus difficiles pratiquée par le docteur André Mermoud dans le cadre de son activité humanitaire. Nous, à la rédaction l’appelons affectueusement le professeur au grand cœur – ; tapez le nom : André Mermoud dans www.decouverte-mag.com et vous pourrez relire toutes ses contributions captivantes. Dernièrement, notre éditeur a recueilli pour vous les confidences extraordinaires de cet éminent médecin ophtalmologue.
La joie est certainement une émotion universelle et intemporelle. A mon avis, elle devrait être plus qu’un simple sentiment passager. Elle est une force vitale, une lumière intérieure – comme nous le voyons dans le regard de Jalia. D’ailleurs, la joie peut tout à fait éclairer nos vies et nous guider à travers les moments les plus sombres de notre existence. Tant dans sa vie privée que dans les salles d’opération, le docteur Mermoud est une véritable symphonie de joie et de positivité. Sa présence, telle une lumière douce et chaleureuse, éclaire les cœurs et fait fleurir des sourires sur tous les visages qu’il croise. Et à propos de joie, une question un tantinet intrigante me vient à l’esprit et que je lui poserai à l’occasion : le sourire de Jalia est-il le reflet de la joie qui danse en elle, ou bien est-ce cette joie qui fait naître son sourire éclatant ?
La joie surgit à des moments les plus simples de la vie quotidienne
Comme je l’ai dit plus haut, la joie se révèle dans le sourire d’un enfant comme celui de Jalia, ci-dessus. Dans les endroits dans lesquels je vis, car suivant les saisons, ce n’est pas toujours au même endroit, admirer les prodiges de mère nature me permet d’exprimer de la joie. La chaleur d’un câlin de ma compagne ou le frottement du nez de mon chat contre le mien ont aussi le pouvoir de transformer ma journée en joie.
Les relations humaines sont également une source inépuisable de joie. L’amitié, l’amour, et même les rencontres fortuites peuvent apporter une joie profonde et durable. Partager des moments de complicité, rire ensemble ou simplement être présent pour l’autre sont autant de façons de nourrir cette émotion précieuse. Les bienfaits de la joie sont nombreux et d’ailleurs fort bien documentés. Sur le plan physique, la joie stimule la production d’endorphines, ces hormones du bonheur qui réduisent le stress et renforcent notre système immunitaire. Elle améliore également notre santé cardiovasculaire et favorise un sommeil réparateur.
Sur le plan mental, la joie est un puissant antidote contre l’anxiété et la dépression. Elle nous aide à développer une résilience émotionnelle, à voir les défis comme des opportunités et à maintenir une attitude optimiste face aux difficultés.
La nature et les joies qu’elle procure
Dans toute sa splendeur, la nature est une source inépuisable de joie et de bien-être pour les hommes et les femmes. Elle offre un refuge paisible loin du tumulte de la vie quotidienne, permettant à chacun de se reconnecter avec soi-même et de trouver un équilibre intérieur.
Je vous propose quelques images pour l’illustration de mes propos. Ces photos sont la plupart l’œuvre de notre photographe et écrivain Ralph Schafflützel. A côté du géant de la forêt du Cameroun, il y l’air d’être un nain. Pourtant, c’est un grand et solide gaillard qui a une finesse d’esprit extraordinaire.
Il parle aux arbres. Relisez :
Mais point n’est besoin de prendre l’avion et de se rendre chez les colosses sacrés de cet admirable pays africain. Marcher dans une forêt dense tout près de chez vous, suffit tout à fait.
Après un festin royal, ce roi de la jungle, majestueux et repu, s’étend dans l’herbe dorée. Ses puissantes pattes enroulées autour de son ventre, il s’abandonne à une douce sieste, bercé par le murmure du vent et le chant des savanes. Ne reflète-t-il pas la joie de vivre ? Vous me direz que je fais de l’anthropomorphisme ! Et pourquoi donc, les animaux ne pourraient-ils pas ressentir de la joie ? Celui-là appartenait à la horde des plus gros lions d’Afrique qui se trouvent dans les plaines de Duba Plains, dans la partie nord du delta de l’Okavango, au Botswana, dans toute sa splendeur, rêvait paisiblement sous le soleil africain. Si je mets les verbes au passé, c’est parce que cela fait un bon bout de temps que cet instantané a été pris et que l’espérance de vie d’un lion varie selon son environnement. À l’état sauvage, les lions mâles vivent généralement entre 7 et 12 ans, tandis que les femelles peuvent atteindre 14 à 20 ans. En captivité, et surtout grâce aux soins vétérinaires et à l’absence de menaces, les lions peuvent vivre plus de 30 ans.
Si vous ne voulez pas vous déplacer si loin pour voir de la joie sur un animal,
ce petit chou chou turc de Van de l’élevage d’Andréa Leemann, près de Genève vous procurera même davantage de joie à la longue qu’un gros lion sauvage.
Cela dit, la faune d’Europe est aussi fascinante. Observer les animaux dans leur habitat naturel est une expérience enrichissante. Chaque rencontre avec la faune sauvage est unique et mémorable.
Ralph en sait quelque chose. Comment se fait-il que la faune ne le craigne pas ?
Quelle affinité a-t-il notre cher Ralph ? Notre éditeur vous le dira prochainement.
Et puis il y a les oiseaux.
Il est clair que vous n’aurez pas à vous déplacer bien loin pour admirer ces guêpiers. Mais comme pour les volatiles ci-dessous, il faudra choisir la bonne saison, car ce sont des oiseaux migrateurs.
Idem pour ces trésors que Ralph a saisis tout près de chez lui.
Et si l’on ne peut pas toujours éclater de joie avec la faune, être au-dessus du brouillard peut aussi tout à fait vous mettre en joie.
La nature agit comme un antidote naturel à l’anxiété et à la dépression. Les paysages naturels, avec leurs couleurs vibrantes et leurs formes variées, stimulent l’imagination et la créativité. Notre éditeur – qui est un fana de la mer et des voyages lointains – vous le dira : « admirer un coucher de soleil sur une mer infinie vous procurera un sentiment de grandeur et d’humilité.
Cette photo a été prise par mon confrère Roger Juillerat[2] à bord du Star Clipper à l’occasion du voyage-lecteurs en 2023
J’adore aussi la photo ci-dessous de Ralph Schafflützel.
La joie aime-t-elle la routine ? Je ne le crois pas. A mon avis, la joie adore débarquer à l’improviste, sans prévenir. Les enfants et les « chic ouf !» que je côtoie, ainsi que les chiots et les chatons sont les grands maîtres de l’instant présent, là où la joie réside souvent.
Pourtant, la joie ne tombe pas du ciel. La plupart du temps, il faut savoir la chercher, la cultiver, comme on arrose une plante. Prendre le temps d’apprécier les petites choses : le plaisir de déballer une boule Lindor, le sourire d’une passante. Et naturellement, si vous êtes une de mes lectrices, vous aimerez celui d’un passant.
Même si la joie est ce que nous désirons le plus ardemment, il n’y a, au commencement, aucune garantie que notre vie sera un jardin fleuri et notre avenir un ciel sans nuages. Cela annule-t-il tout ce que je vous ai dit auparavant ? Non, mais il est essentiel de comprendre que dans la symphonie de la création où nous évoluons, tout ce qui compose notre monde et notre quotidien est empreint de dualité. La naissance et la mort, le bien et le mal, la beauté et la laideur, la bonté et la cruauté, le jour et la nuit, la joie et la souffrance, le haut et le bas, la gauche et la droite (selon notre perspective occidentale). Rien n’est permanent dans notre état d’impermanence et de dualité. N’avez-vous jamais remarqué qu’une exaltation peut aussi s’évanouir telle une étoile filante, aussi soudainement qu’elle est apparue ?
Alors, adoptons pleinement la joie. Laissons-la illuminer chaque instant de notre existence et surtout, partageons-la comme un trésor inestimable. Parce qu’au fond, la joie, c’est ce qui rend la vie vraiment savoureuse.
Fidèle aux souhaits de notre éditeur, à savoir de vous faire découvrir un monde nouveau, je vous quitte sur une chanson magnifique de Sissel Kyrkjebø, pratiquement inconnue en France et en Suisse qu’elle donna en l’an 2007 à l’église de la ville de Røros[3] et sur une recommandation personnelle.
Si les voyages sont l’essence même de l’une de vos passions, je vous assure que vous trouverez un immense plaisir à suivre le blog : https://www.instagram.com/explorebyoli/
Captivant !
Le point de vue de la psychologue
Souvent, on considère la joie comme un simple “bonus”, une émotion agréable mais non essentielle. Pourtant, elle est bien plus que cela. La joie est une nécessité pour notre bien-être profond, car elle joue un rôle fondamental dans notre équilibre émotionnel et mental. Ce n’est pas seulement un bonus, mais un élément clé de notre santé psychologique, capable de nourrir notre esprit, de renforcer nos relations et de nous protéger contre le stress et les émotions négatives. Loin d’être un luxe, elle est un pilier invisible mais vital de notre bien-être quotidien.
C’est pourquoi perdre la joie, ne plus éprouver de plaisir pour des choses qui nous rendaient heureux auparavant, est un signe qui ne doit pas être ignoré, car il peut être un avant-coureur d’une dépression. Si vous remarquez que les activités qui vous apportaient de la joie ne suscitent plus aucune émotion, il est important de prendre ce signal au sérieux et de consulter un professionnel. Agir tôt peut aider à prévenir l’aggravation de la situation et favoriser un rétablissement plus rapide.
Les enfants sont de véritables maîtres dans l’art de ressentir la joie. Leur capacité à se réjouir des petites choses, à s’émerveiller d’un sourire, d’un jeu ou d’un rayon de soleil, est un exemple précieux de pureté émotionnelle. Ils vivent pleinement l’instant présent, sans retenue ni jugement, et laissent leurs émotions s’exprimer librement. Cette spontanéité, cette capacité à éprouver la joie sans filtres, nous rappelle l’importance de cultiver ce bonheur simple et authentique dans notre propre vie. Les enfants nous enseignent ainsi que la joie ne doit pas être réservée aux grands événements, mais peut résider dans chaque moment de la vie quotidienne.
Sonia Da Fonseca, psychologue clinicienne
[1] Spinoza avait raison. Joie et tristesse. Le cerveau des émotions, Odile Jakob 2003
[2] Voir aussi
[3] À quelque 375 km de la capitale Oslo