En Europe, le loup a un avenir plus ou moins incertain. La fragmentation de son habitat, le braconnage, ses maladies, les conflits avec les activités humaines ou le changement climatique sont de sérieux défis qu’il doit relever. Mais on lui demande également de composer avec les attitudes et les perceptions des différents acteurs, qui peuvent être favorables ou hostiles à sa présence. Nous avons demandé à notre journaliste scientifique de nous révéler quelques nouveautés sur cet animal captivant et complexe. La rédaction
Le loup est un animal qui suscite nombre de débats et de controverses en Europe. Certes, il est protégé surtout par la Convention de Berne mais sa présence pose toutefois des problèmes tant aux éleveurs qu’aux chasseurs. De fait, le loup a disparu de la plupart des pays européens au cours du XXe siècle. Nous autres humains l’avons persécuté et détruit son habitat. Il a commencé à recoloniser naturellement certains territoires à partir des années 1970, notamment à partir des populations résiduelles des Alpes et des Carpates. Il y a une population de 17 000 loups en Europe, répartis sur 28 pays. Etant donné que les loups ne connaissent pas de frontières, il est important que les pays alpins coopèrent entre eux. Afin de faciliter cette coopération, les pays alpins concernés (Suisse, France, Allemagne, Italie, Liechtenstein, Autriche et Slovénie) se réunissent régulièrement. Le loup fait l’objet de mesures de protection et de gestion différentes selon les pays européens. Certains, comme la France, l’Allemagne ou l’Italie, ont adopté des plans nationaux qui visent à concilier la conservation du loup et la prévention des dommages aux élevages. D’autres, comme l’Espagne, la Finlande ou la Suède, ont autorisé des dérogations pour réguler les populations de loups par la chasse ou le piégeage, dans certaines zones ou sous certaines conditions. Il existe aussi des initiatives locales ou régionales pour favoriser la coexistence entre les hommes et les loups, par exemple en soutenant les éleveurs, en sensibilisant le public ou en créant des réseaux d’observation.
Les connaissances sur le loup ont beaucoup progressé. Notamment sur sa communication.
Comment le loup communique-t-il avec ses congénères
Le loup est un animal disposant de plusieurs moyens de communication qui lui permettent de vivre en société et de s’adapter à son environnement. Il communique de différentes manières, selon le contexte et le message qu’il veut transmettre. Le hurlement, c’est le son le plus caractéristique qu’il émet et qui peut être entendu jusqu’à 15 kilomètres à la ronde.
Le loup hurle pour plusieurs raisons, comme pour rassembler la meute, pour marquer son territoire, pour exprimer son humeur ou pour localiser les autres loups. Chaque loup pousse un hurlement qui lui est propre, ce qui leur permet de savoir combien d’animaux se trouvent dans une autre meute. Au sein d’une meute, les loups sont capables de se reconnaître grâce à leurs hurlements.
Les autres vocalises : le loup dispose d’un registre vocal assez conséquent, qui comprend des gémissements, des jappements, des grognements ou des aboiements. Chaque vocalise semble avoir une signification particulière. Par exemple, le gémissement peut exprimer la soumission, le jappement peut servir à attirer l’attention ou à jouer, le grognement peut signaler une menace ou une agression, et l’aboiement peut être utilisé pour alerter ou pour intimider.
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Les postures et les expressions faciales : le loup utilise son corps et son visage pour communiquer avec ses congénères. Il dispose d’une grande mobilité de la face et des oreilles, qui lui permet d’exprimer une large palette d’états d’esprit. L’attitude générale, le port de la tête et de la queue sont autant de signaux clairs pour tous ses congénères. Ainsi, un loup dominant peut remettre un subalterne à sa place par une attitude corporelle spécifique : les oreilles rabattues, le museau froncé, les babines retroussées, l’échine hérissée et la queue raidie. Au contraire, un loup exprime sa soumission en couchant les oreilles vers l’arrière, en détournant la tête pour éviter le regard du dominant, en ramenant sa queue sous son ventre, voire en émettant quelques gouttes d’urine ou en se couchant carrément sur le dos.
Contact physique entre deux loups
Le toucher : le loup communique aussi par des contacts physiques avec ses congénères, qui sont strictement codifiés. Au moment du repas, par exemple, les loups se touchent au niveau du museau et des flancs, afin de se positionner au sein de la meute. Un individu dominé peut chercher l’apaisement auprès d’un dominant en lui léchant la commissure des lèvres, par exemple. Les loups se servent aussi d’un rituel amoureux très expressif : baisers dans le cou, mordillement des lèvres, petits coups de langue rapides sur les joues, les oreilles ou le cou.
L’odorat : le loup communique enfin par son odeur, qui est unique pour chaque individu. L’urine et les excréments, déposés dans des endroits stratégiques, permettent à un loup de signaler la présence du groupe sur un territoire. Les loups se reniflent aussi entre eux, notamment au niveau de l’anus, pour s’identifier et connaître l’état physiologique ou émotionnel de leurs congénères.
Un expert mondial sur les loups
David Mech est un chercheur de renommée mondiale sur les loups. Il travaille à l’Université du Minnesota depuis 1981. Il est considéré comme un expert mondial sur l’écologie et le comportement des loups, ainsi que sur la relation entre les prédateurs et leurs proies. Il a mené des études sur les loups dans de nombreuses régions du monde, notamment aux États-Unis, au Canada, en Italie, en Alaska, à Yellowstone, et en Israël. Il a publié plus de dix ouvrages et de nombreux articles scientifiques sur les loups. Il est aussi le fondateur et le vice-président de l’International Wolf Center, promouvant la compréhension et la conservation des loups. Il est reconnu pour ses contributions à la science et à la société, et pour son engagement en faveur du loup.
David Mech a montré que le loup est un animal social, vivant en famille et non en hiérarchie. Il a inventé le terme de “loup alpha” dans les années 1970, mais il l’a ensuite réfuté, en expliquant que les loups qui dirigent la meute sont en fait les parents des autres membres, et non des dominants. Le terme “alpha” implique en effet une rivalité et même des combats entre les loups mâles pour s’imposer à la tête de la meute. En réalité, le loup dominant ne doit sa position qu’au seul fait d’avoir engendré, avec sa compagne, les membres de sa troupe. David Mech a participé au projet de réintroduction du loup à Yellowstone, qui a permis de restaurer l’équilibre naturel du parc. Ce chercheur a étudié l’impact du loup sur les écosystèmes en montrant comment il régule les populations de ses proies, comme les élans ou les bisons, et favorise ainsi la biodiversité. Il a exploré la diversité des loups dans le monde, en comparant les différentes sous-espèces, comme le loup gris, le loup arctique ou le loup rouge.
Pour aller plus loin : Histoire du retour du loup en Suisse (1995-2021) | Pro Natura ; https://wolf.org/