« Le monde ne sera plus jamais comme avant. » Tant de générations ont répété cette assertion. Je ne remonterai pas loin dans le temps. Après 1918, 1945, 2000, 2008 et maintenant, rebelote au cours de notre an 2020, alors que les affres de la pandémie commencent à s’estomper, même musique d’avenir.
Ceux qui expriment cette idée semblent annoncer un monde nouveau, radieux et lavé de ses égarements et aberrations. Mais qu’en sera-t-il réellement alors que nous devrions nous rendre compte que la destinée humaine se compose de tout ce que nous avons fait, mais aussi de tout ce que nous avons négligé d’entreprendre et laissé de côté. Et si le monde de demain risquait d’être encore davantage celui de hier ?
La vitesse, le rendement, l’efficacité
Trois injonctions qui, au 21e siècle, semblent parfois nous pourrir la vie !
D’accord, la modernisation de nos modes de vie n’a pas cessé d’accélérer le rythme de notre existence. Souvenez-vous, il y eut sur terre d’abord des moulins à eau et à vent. Nous sommes au 17e siècle, leur technique évolue grandement. On cartographie le globe. Pourquoi ? Pour mieux connaître les contrées lointaines avec un but bien précis : y aller plus vite et donner un essor fulgurant au commerce. Les épices ramenées de l’Asie font véritablement la fortune de l’Europe. Mais si les Portugais, les Hollandais, les Britanniques établissent de nouvelles voies maritimes, des navires errent encore souvent en mer. On ne pouvait pas faire le point où l’on se trouvait sur le vaste océan. Ce n’est qu’avec l’invention du sextant vers 1730 environ qu’il fut possible de déduire la latitude du lieu d’observation.
La mécanisation de la production textile en Grande-Bretagne et l’avènement de la révolution industrielle qui englobera l’ensemble de l’Europe va devoir rendre nécessaire d’écouler cette montagne de marchandises. Vint alors juste à point l’invention de la machine à vapeur, avec son cortège d’éléments nouveaux : la pre mière locomotive ‘ La Salamanca’, puis la construction d’un immense réseau ferroviaire sur notre continent.
Marine et aviation
En navire, la traversée de l’Atlantique qui durait jusqu’à 30 jours fut réduite de moitié par les premiers grands paquebots. Il n’y avait pas d’avions.
Aujourd’hui encore le Queen Mary 2 effectue la traversée de Southampton à New-York en 7 jours.
Sautons 3 siècles. Le vol Paris- New-York en avion, plus précisément en Concorde durait trois heures trente. Nombre des nouveautés technologiques dont cet avion supersonique se servait pour accomplir cette prouesse avaient vingt ans d’avance.
Aujourd’hui, toutes ses améliorations – et pas seulement radiogoniométrie, puis GPS, sont des standards dans les avions de ligne actuels.
Qui dit vitesse, dit éphémère, mais dit aussi volatilité. Concernant la volatilité, regardez ce qu’il s’est passé récemment (avril 2020) sur les bourses mondiales. Effondrement du Brent, mais aussi du cours de nombreuses autres matières, alimentaires, notamment.
Nous sommes devant la saisie de l’instant, face à une durée mesurable. Tous ceux qui nous enjoignent de vivre ‘l’instant présent’ et qui publient à son égard des bestsellers mondiaux feraient-ils fausse route ?
Je ne le sais pas, je pose juste la question.
Sans doute, l’absolue frénésie de l’efficacité, du rendement et surtout de la vitesse commande-t-elle chez ‘ceux qui peuvent’ une saine réaction : la tentative de ralentir, de revenir au calme dans la nature, de sortir des villes et d’habiter la campagne.
Considérer ou reconsidérer notre rapport face au temps, face à l’espace. Surtout les grands espaces ne voilà-t-il pas un défi à relever ?
« Eppur si muove ! »
Cela ne vous rappelle-t-il pas un savant ?
Donc, les choses changent…les personnes aussi.
Ce qui était juste avant l’avènement d’Internet ou simplement hier pour faire plus court, ne l’est plus forcément aujourd’hui. Il convient de nous adapter à la nouvelle donne. Ne pas non plus hésiter à nous remettre en question.
Je pense sincèrement qu’il faudra faire davantage de place au ‘ voyageur’ , celui qui veut découvrir le monde et ses nombreuses facettes. Pas l’Asiatique qui ‘fait’ l’Europe en 6 jours.
Tenez, une autre image me vient à l’esprit.
D’un côté, les avions bloqués sur le tarmac et de l’autre, les paquebots à quai.
Lorsque, en 2020, l’économie du voyage se réveillera enfin, pour les premiers, l’accélération du temps : quelques heures stressantes en classe économique (et en étant aussi serré que lorsqu’on se retrouve dans les transports publics aux heures de pointe. A moins toutefois de s’offrir la première classe…) pour se rendre au bout du monde.
Pour les seconds, quelques jours paisibles, au surplus très confortables et conviviaux à bord pour arriver à la même destination.
L’éloge de la lenteur. Le paradigme de l’escargot ?
Oui, en quelque sorte. Oublier le plus souvent possible le diktat de la vitesse.
Ne serait-ce pas là le secret des bienfaits de la douceur de vivre et d’avoir un monde meilleur