Découverte-mag n°14

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Les lucioles… une merveille biochimique!

Lucioles dans la nuit. Découverte magazine.

Un peu d’histoire pour commencer

En Suisse, les lucioles sont rares. Elles se sont toutefois acclimatées au parc Bourget, à Lausanne, vers Yvonand (VD) et en Valais. Pourtant, son acclimatation est relativement récente, puisqu’elle ne remonte qu’à 19381. Dans sa séance du 9 juillet 1941, H. Faes, alors directeur de la Station fédérale d’essais viticoles et arboricoles, à Lausanne, rapportait ceci au sujet de l’introduction de la luciole (Luciola italica) dans le canton de Vaud: Durant nos voyages d’études dans le Tessin et les vallées méridionales des Grisons (Soglio, en particulier), nous avions été souvent charmé par le vol des lucioles qui sillonnent l’air d’innombrables traits de feu illuminant les chaudes soirées de juin. Dès 1938, poursuivant le dessein de feu Ed. Bugnion, l’entomologiste bien connu, l’idée nous vint d’essayer l’acclimatation de la luciole (Luciola italica) du Tessin dans les cantons de Vaud et du Valais. Autrefois, la présence importante de lucioles pouvait être considérée comme un des indicateurs de bon état l’environnement nocturne. Des milliers de lucioles pouvaient être aperçus sur et autour d’un arbre, aux abords d’un ruisseau.

Aujourd’hui, en Suisse, ce phénomène est devenu plutôt rare.

Montre-moi ce que tu manges et je dirai qui tu es 

J’emprunte cette citation à Brillat-Savarin2. Il disait: Pareille question devrait s’adresser au préalable à tout insecte dont on étudie les mœurs, car du plus gros au moindre dans la série animale, le ventre est le souverain du monde; les données fournies par le manger dominent les autres documents de la vie. Eh bien! malgré ses innocentes apparences, le lampyre3 est un carnassier, un giboyeur exerçant son métier avec une rare scélératesse. L’escargot est sa proie de prédilection.

Une luciole vue de près en macro.

La poésie de l’entomologie

Aujourd’hui, peu de personnes se souviennent que Jean Henri Fabre (1823 – 1915) fut un naturaliste de génie, mondialement célèbre grâce à ses Souvenirs entomologiques: Pas moins de 4’000 pages de descriptions savantes mâtinées de souvenirs d’enfance et de réflexions philosophiques. Je ne résiste pas à vous livrer quelques savoureux passages consacrés à la luciole. « En nos climats, peu d’insectes rivalisent de renommée populaire avec le ver luisant, la curieuse bestiole qui, pour célébrer ses petites joies de la vie, s’allume un phare au bout du ventre. On pourrait en effet chercher chicane à l’appellation de ver. Le lampyre n’est pas du tout un ver, ne serait-ce que sous le rapport de l’aspect général. […]. S’il n’avait d’autre talent que de savoir anesthésier sa proie au moyen de quelques pichenettes semblables à des baisers, le lampyre serait un inconnu du vulgaire, mais il sait aussi s’allumer en fanal ; il reluit, condition excellente pour se faire un renom. Considérons en particulier la femelle qui, tout en gardant la forme larvaire, devient nubile et brille du mieux lors des fortes chaleurs de l’été. Au moment de la pariade, l’illumination s’affaiblit beaucoup, s’éteint presque ; il ne reste en activité que l’humble lampion du dernier segment. La discrète veilleuse suffit à la noce, tandis que dans le voisinage, la foule des bestioles nocturnes, attardées en leurs affaires, susurre l’épithalame général4.

La bioluminescence, une féerie digne des Mille et une nuits

La bioluminescence5 est une lumière produite par certains organismes vivants. La luciole est incontestablement celle apte à générer le mieux de la lumière. La luciole dispose d’un organe abdominal spécial, appelé le photophore au sein duquel se trouvent 2 molécules chimiques: la luciférine et la luciférase. La luciole fait pénétrer de l’air à l’intérieur de son abdomen par les ouvertures par lesquelles elle respire. Aussitôt, ces deux molécules ont un impact avec l’oxygène de l’air. C’est cette réaction chimique qui produit cette prodigieuse luminescence.   

Regardez !

En période de reproduction, cette bioluminescence leur sert essentiellement de communication., Effectuant une espèce de chorégraphie à la hauteur des buissons, les mâles clignotent en vol. Embusquées à ras le sol, les femelles leur répondent. Du reste, ces signaux lumineux aident les mâles et les femelles d’une même espèce à se reconnaître et à se retrouver. Mais il y a signal lumineux et signal lumineux.

Astuce pour savoir s’il s’agit d’une luciole ou d’un ver luisant, un autre membre lumineux de la famille des lampyridés :
Observez la lumière émise par l’insecte en vol. Intermittente ou constante?
Chez les lucioles, elle donne l’impression de clignoter, donc luminescence brève.
– Chez le vers luisant, la luminescence est longue.

Si c’est une bioluminescence constante, on a affaire à la femelle d’un ver luisant

Résumé de la conférence de Pablo Duchen et d’Anne Freitag1, consacrée aux lucioles

Découvrir l’histoire de chaque espèce a captivé les biologistes depuis des siècles. En particulier, nous voulons connaître l’origine et la propagation des espèces, ainsi que la manière dont elles se sont adaptées aux différents environnements. Cette information est cruciale pour protéger et conserver notre biodiversité. L’histoire d’une espèce est imprimée dans son génome. Or, la sélection naturelle modifie le génome de manière particulière. Les lucioles sont très importantes dans l’équilibre de notre écosystème, en particulier en matière de lutte biologique. Les activités humaines actuelles et le changement climatique affectent les populations de lucioles et elles doivent s’adapter rapidement à ces changements. Plusieurs génomes de populations de lucioles suisses et européennes ont été séquencés. Ces ressources permettent de comprendre comment les lucioles se sont adaptées aux changements environnementaux passés et, partant, de prédire comment elles s’adapteront aux changements environnementaux rapides que nous vivons aujourd’hui.


1https://www.e-periodica.ch/

2Jean Anthelme Brillat-Savarin (1755-1826) magistrat de profession est connu comme ayant été un gastronome et auteur culinaire 

3L’antiquité grecque le nommait lampyre, signifiant porteur de lanterne sur le croupion.

4Souvenirs entomologiques, Jean-Henri FABRE, 1907, Série 10.

5Étude de l’émission de bioluminescence des lucioles par des simulations MD et des calculs QM/MM par Madjid Zemmouche http://www.theses.fr/s184103

6Lauréat de la bourse du 200ème de la Société vaudoise des sciences naturelles (SVSN) et Anne Freitag, du Musée cantonal de zoologie.

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