Revoilà notre journaliste scientifique qui revient d’un long voyage à l’étranger. Il s’est documenté sur plusieurs sujets qui vous passionneront. Un peu partout les esprits s’échauffent à propos des éoliennes. La transition énergétique ayant pour objectif de réduire notre consommation énergétique, voire de changer complètement de comportement suscite des discussions passionnées et pas toujours objectives. Or, l’énergie bleue pourrait bien à l’avenir remettre tout en question. Yves Rebaud fait le point sur les dernières découvertes en la matière et nous livre son analyse. La rédaction
Il s’agit tout d’abord de ne pas confondre hydroélectricité et énergie bleue. La première est l’énergie produite par des barrages d’eau. Elle exploite l’énergie potentielle des flux d’eau, tels que les fleuves, les rivières, les chutes d’eau et les courants marins, pour générer de l’énergie mécanique. Cette dernière est ensuite convertie en énergie électrique à l’aide d’une turbine et d’un alternateur.
Voilà un exemple typique d’hydroélectricité
Vous allez voir que l’énergie bleue repose sur un tout autre concept.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, permettez-moi cependant de revenir sur la transition énergétique, car ce qui se joue actuellement dans ces domaines très complexes pourrait bien être remis en cause avant la prochaine décennie.
Réduire les émissions de gaz à effet de serre, lutter contre le changement climatique et promouvoir la durabilité n’est en fait qu’un pan de la transition énergétique. Celle-ci est en effet beaucoup plus complexe qu’elle n’en a l’air. Elle représente un processus multidimensionnel visant à transformer le système énergétique actuel, – essentiellement fondé sur les combustibles fossiles –, en un système plus durable et moins dépendant des ressources non renouvelables (charbon, pétrole, gaz naturel).
Les enjeux de la transition énergétique touchent clairement des problèmes à la fois environnementaux, économiques et sociaux. Après tout, ne s’agit-il pas d’assurer la sécurité énergétique, la compétitivité économique et l’équité sociale ? Encore qu’à mon avis, cette dernière a beaucoup de soucis à se faire. L’équité sociale en Europe est confrontée à des défis importants, dont des inégalités croissantes. En effet, malgré la prospérité apparente, les disparités de revenu, de richesse, d’éducation, de conditions de vie et d’activité professionnelle se creusent entre les pays et au sein même de ces derniers. La crise financière mondiale de 2008-2009 et la pandémie de la covid-19 ont exacerbé les inégalités structurelles en Europe. La pauvreté a tendance à augmenter, les droits sociaux se sont érodés, la mobilité sociale a diminué et la polarisation sociale s’est accrue. Bref, je ne suis pas sociologue et je ne vous bassinerai pas avec ces problèmes. Il me suffisait de vous les rappeler avant de continuer.
La membrane est la clé de l’énergie bleue
Ainsi que Marcel Bianchi l’a très bien illustré dans son article « L’eau dans tous ses états »,
l’osmose inverse a été développée par Sydney Loeb (1917 – 2008) un ingénieur chimiste américano-israélien. Il est surtout connu pour avoir rendu l’osmose inverse (RO) pratique en développant, avec Srinivasa Sourirajan, des membranes anisotropes semi-perméables. Cette invention a révolutionné la désalinisation de l’eau. Loeb a également inventé le processus de génération d’énergie par osmose sous pression retardée (PRO), exploitant une source d’énergie verte auparavant inconnue, ainsi qu’une méthode de production d’énergie par un moteur thermique à électrodialyse inverse (RED). Ces découvertes ont ouvert la voie à ce que l’on appelle depuis lors la “puissance osmotique”. Aujourd’hui, on parle plutôt d’énergie bleue qui a même supplanté son autre nom, celui d’énergie des gradients de salinité (SGE). Bref, cette assez nouvelle forme d’énergie renouvelable exploite la différence de salinité entre l’eau de mer et l’eau douce.
L’énergie osmotique est donc l’énergie récupérable grâce à la différence de concentration en sel entre l’eau de mer et l’eau douce, séparées par une membrane semi-perméable. Lorsque l’eau douce et l’eau salée sont mises en contact à travers cette membrane, les molécules d’eau migrent de la zone de faible concentration saline vers la zone de forte concentration, créant ainsi une pression osmotique qui peut ensuite être convertie en électricité.
Deux technologies principales ont été développées pour exploiter l’énergie osmotique :
La magie de l’eau de mer et de l’eau douce
Regardez cette vidéo et vous comprendrez tout.
Vous aurez ainsi vu que l’énergie osmotique présente plusieurs avantages de taille.
- Elle est inépuisable tant qu’il y a des différences de salinité entre les masses d’eau.
- Elle est donc renouvelable, constante et ne dépend pas des conditions météorologiques.
- Contrairement à l’énergie solaire ou éolienne, elle peut être produite en continu.
- Elle a une densité énergétique comparable à celle des autres énergies renouvelables.
- Elle nécessite beaucoup moins de terrain que l’éolien et le solaire.
En résumé, la puissance osmotique est une source d’énergie prometteuse qui pourrait contribuer de manière significative à la transition énergétique mondiale. Il s’agira toutefois de lui consacrer de plus amples recherches. Des développements et recherches supplémentaires sont nécessaires pour surmonter les défis techniques et économiques actuels. Et ce en particulier pour améliorer son rendement énergétique, sa fiabilité et pour la rendre plus viable à grande échelle.
Quels sont les défis à relever ?
Il y en a plusieurs, car actuellement, il n’existe pas encore de système(s) efficace(s) pour générer de grandes quantités d’énergie bleue à faible coût. Il est clair que les coûts restent encore élevés. Les investissements initiaux sont importants, notamment pour le développement de membranes performantes. N’oublions pas que toute cette technologie est encore en plein développement. Vous aurez vu en regardant la vidéo susmentionnée que la performance des membranes actuelles est encore insuffisante pour une exploitation commerciale à grande échelle. Enfin vous aurez remarqué que l’on vous a dit que la formule pour fabriquer cette membrane est absolument secrète. C’est en effet le mystère qui entoure les recherches du laboratoire d’énergie osmotique de l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), en Suisse, qui se concentre sur la recherche et le développement de technologies d’énergie osmotique. Cette recherche inclut l’étude de l’osmose à pression rétinée (PRO) et de l’osmose directe (FO). Cet institut informe le public que les chercheurs de l’EPFL ont travaillé sur des membranes microscopiques innovantes pour améliorer l’efficacité de la production d’énergie osmotique. Mais les dernières informations destinées au grand public datent du 23 mai 2019, donc il y a près de 5 ans1 En 2016 les chercheurs de l’EPFL avaient mis au point une membrane semi-perméable révolutionnaire. Elle était épaisse de seulement trois atomes, percée de nanopores et fabriquée à base de disulfure de molybdène, un matériau largement disponible et facile à mettre en œuvre. On évalue aujourd’hui l’énergie potentielle aux embouchures des fleuves à plus de 1.700 TWh annuels disponibles, soit un dixième des besoins mondiaux. Seulement voilà, depuis mai 2019, plus de nouvelles. Signe que le tout est bien entouré de secrets ?
Je vous rassure : Cinq ans de recherches pour un produit ou une technique peuvent vous sembler longs. Pourtant, tout dépend du domaine et de la complexité du projet surtout si la technique est révolutionnaire. L’énergie bleue nécessite des avancées technologiques majeures, car son impact potentiel est vraiment énorme. Donc cinq ans de silence peuvent être justifiés. Par ailleurs, garder le projet secret pendant la phase de recherche peut être nécessaire pour protéger les intérêts commerciaux ou la propriété intellectuelle. Cependant, il est important de trouver un équilibre entre la confidentialité et la communication avec le grand public. D’une part, d’autres chercheurs ou entreprises pourraient dans ce cas apporter des idées ou des ressources. D’autre part, des concurrents pourraient copier l’idée ou la technique.
Y a-t-il déjà des projets commerciaux d’énergie osmotique ?
Oui, d’après mes recherches il y a eu d’abord :
Statkraft Osmotic Power Prototype (Norvège)
Statkraft, une entreprise norvégienne d’énergie renouvelable, a développé le premier prototype de centrale osmotique au monde.Inauguré en 2009, le projet pilote situé à Tofte, en Norvège, avait atteint une capacité de production de 4 kW. Bien que cette technologie soit encore à ses balbutiements puisque depuis longtemps on ne sait plus grand-chose, elle représente néanmoins un potentiel significatif pour l’avenir des énergies renouvelables.
CNR et Sweetch Energy (Delta du Rhône, France)
CNR et Sweetch Energy ont, je crois, installé la première centrale osmotique de production d’électricité dans le delta du Rhône. Ce site pilote, devait être opérationnel à partir de fin 2023 et devait intégrer la technologie INOD® développée par Sweetch Energy, accélérant considérablement l’échange d’ions grâce au phénomène d’osmose. Je n’ai malheureusement pas d’autres nouvelles plus récentes, car là aussi, silence radio.