Il n’y a pas de moment plus propice qu’un autre pour parler d’amour ! Mais ici le sujet ne sera pas l’amour qui nous rend heureux(ses) et nous comble de bonheur ! Mais plutôt comment faire quand l’amour fait mal et que la relation finit par être détruite par la dépendance amoureuse de l’un des 2 partenaires, et que cela se répète, relation après relation…
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La genèse de la dépendance amoureuse
Nous passons tous par une phase de dépendance amoureuse que l’on pourrait qualifier de « saine », en début de relation amoureuse. Les moments passés avec l’élu(e) de notre cœur sont d’une telle intensité que lorsqu’il/elle n’est pas à nos côtés, le manque se fait fortement ressentir.
Les circonstances augmentent aussi ce sentiment : on ne fait pas encore totalement parti du quotidien de l’autre et on se voit donc moins souvent.
A cela s’ajoute également un cocktail détonant d’hormones qui agitent le corps et l’esprit : testostérone, ocytocine, dopamine, sérotonine [1] qui atteignent des pics records dans ces phases de découverte et d’amour idéalisé (voir article lien embarqué). Certaines études ([2]Journal of Neurophysiology en 2000) ont même découvert que les régions du cerveau associées à la récompense et à la motivation étaient fortement activées chez les personnes amoureuses, de manière similaire à ce qui est observé chez les personnes dépendantes de la cocaïne. On comprendra alors aisément que lorsque les taux reviennent à la normale, le manque de l’autre se fait cruellement ressentir au niveau psychologique mais aussi physique, comme dans les addictions aux substances.
Cette période fusionnelle ou les 2 ne font qu’un a une durée différente selon les couples. Ce qui est en revanche commun à tous, c’est qu’elle doit se transformer pour aboutir à un retour à l’équilibre. Il faut que chacun puisse retrouver son autonomie et construire une relation solide où chacun existe et se sent bien, qu’il soit en présence de l’autre ou seul.
Quel est le risque si la phase de dépendance n’évolue pas ?
Si un des partenaires, pour des raisons que j’invoquerai plus loin, reste dans cette dépendance, son bien-être est menacé et ce qu’il redoute le plus, c’est-à-dire être séparé(e) de son partenaire dont il dépendant, a beaucoup plus de risque d’arriver ! Voici par quel mécanisme.
La personne qui souffre de dépendance affective voit en la personne qu’elle aime une solution à toutes ses attentes, amoureuses et même dans tous les domaines de la vie. (Nous verrons plus loin les raisons). A ses côtés, elle se sent aimée, ne se sent plus seule et tout ce qui lui manque dans la vie est comblé. Son but devient alors de tout faire pour la garder à ses côtés et combler l’autre. Le danger, c’est qu’elle fera en sorte de lui plaire à n’importe quel prix : en oubliant ses propres besoins et en se mettant complètement à son service, sans penser à son bien-être personnel. On pourrait croire que la situation est idéale et que tout le monde est gagnant car les 2 partenaires sont finalement comblés par l’autre, mais cette situation mène la plupart du temps à une destruction de la relation et de la personne qui souffre de dépendance affective.
Son/sa partenaire va progressivement, selon sa sensibilité ou son expérience, ressentir ce poids et cette responsabilité qui pèse sur lui : être l’unique responsable du « bonheur » de l’autre ! Une sacrée responsabilité n’est-ce pas ?! Son instinct, présent en chacun de nous et souvent de bon conseil, lui enverra progressivement des signaux d’alerte. Voir l’article suivant :
Il/elle sera dans l’incompréhension de ce mal qu’il/elle semble infliger à la personne qui souffre de dépendance affective, alors que ses intentions sont bienveillantes. Passer une soirée entre ami(e)s doit-il provoquer peur, détresse voir crise de larmes et colère accompagnée de reproches ?
Cette détresse qu’il/elle semble provoquer chez la personne qui souffre de dépendance affective lorsqu’il/elle ne peut pas être à ses côtés, engendrera chez lui/elle un sentiment de culpabilité, émotion tout à fait désagréable !
Ce ressenti négatif pourra même être accentué si cela s’accompagne de reproches « Pourquoi tu ne passes pas plus de temps avec moi ? Tu préfères les autres à ma compagnie ? ».
Petit à petit, à force que la situation se répète, le cerveau commencera à associer le/la partenaire à une émotion et un ressenti désagréable… au lieu de l’amour !
Le paradoxe victime/bourreau
La personne qui souffre de dépendance affective est dans un profond paradoxe de victime/bourreau : c’est manifestement elle qui souffre le plus de la situation car elle se sacrifie totalement à l’autre en s’oubliant elle-même et se trouve régulièrement dans des phases de détresse lorsque l’autre ne réalise pas ses attentes.
Mais elle devient également un bourreau qui impose à l’autre de la combler de la façon dont elle le souhaite.
Certain(e)s partenaires, après avoir tenté de comprendre, rassurer et sécuriser la personne qui souffre de dépendance affective, commenceront à s’en éloigner. Pourquoi ?
Car ils/elles auront compris et constaté que, à l’instar des personnes avec une addiction, leur partenaire qui souffre de dépendance affective aura besoin de toujours plus de « preuves » d’amour pour se sentir sécurisé(e). Et que malheureusement, malgré tous leurs efforts, leur besoin de réassurance ne sera jamais comblé.
La personne qui souffre de dépendance affective, ayant une crainte excessive de l’abandon, sentira la distance que leur partenaire tentera de mettre progressivement entre eux, ce qui les poussera à tenter encore plus de retenir leur partenaire.
Un cercle vicieux se met alors en place et devient de plus en plus destructeur : la personne dépendante s’accroche de plus en plus à l’autre, qui se sent de plus en plus oppressé(e) et tente alors encore plus de mettre de la distance entre eux !
Pas forcément par manque d’amour… mais juste comme un réflexe vital pour échapper à cette trop grande responsabilité d’être le bonheur d’une autre personne qui, à cause de ses blessures ou traumatismes non soignés, n’arrivera jamais à être comblée (en tout cas de cette manière-là).
La fuite
Après cette phase dont la durée est très variable, le/la partenaire, selon son style d’attachement (voir plus bas le chapitre consacré), prendra la fuite et confortera malheureusement la personne qui souffre de dépendance affective dans ses fausses croyances : “je ne suis pas digne d’être aimée”, “je rate tout ce que j’entreprends”, ” je ne suis pas intéressant(e)”, et bien d’autres encore… En suivra une période de détresse terrible pour elle, dont elle ressortira avec une nouvelle blessure et une plus grande fragilité encore, qui la rendra encore plus vulnérable dans ses futures relations.
Mais parfois la rupture est pourtant la solution la plus salutaire !
Car certain(e)s partenaires, au lieu de prendre la fuite, restent avec la personne qui souffre de dépendance affective, par peur de la blesser ou parce qu’ils ont trouvé en elle une personne complètement dévouée à eux/elles.
Mais comme la relation est déséquilibrée, car la personne qui souffre de dépendance affective s’efface pour le bonheur de l’autre sans se préoccuper de son bien-être, le/la partenaire aura alors peu de considération pour lui/elle ! En effet on imagine aisément qu’il est difficile d’aimer une personne qui ne sait pas s’aimer elle-même, se dénigre et modifie sa personnalité pour plaire à l’autre. Le « bonheur » de la personne qui souffre de dépendance affective oscillera alors, passant par quelques hauts et beaucoup de bas. Elle ne prendra pas le temps d’effectuer un travail sur elle-même car toute son énergie est consacrée à tout faire pour garder son/sa partenaire.
Une autre issue encore plus toxique est quand le/la partenaire, qui se sent oppressé(e) par la demande constante de la personne qui souffre de dépendance affective, devient un bourreau et se « venge » de manière consciente mais parfois inconsciente. Elle devient alors dénigrante ou violente envers la personne qui souffre de dépendance affective, qui elle, se laissera faire pour ne pas le/la perdre.
Une addiction en appelle une autre
A ce stade, vous l’aurez compris, l’autre est devenu une addiction. Et à l’instar de ce qui se passe avec les addictions aux substances, un autre cercle vicieux se met en place dans le système de la récompense, au niveau cérébral : au départ une petite dose crée une forte dose de bien-être. Ensuite, une dose de plus en plus forte est nécessaire alors que le bien-être ressenti devient très minime voire inexistant et que le manque devient insoutenable. Malgré cela, la personne dépendante continue à rechercher désespérément la sensation initiale qui était si agréable. La recherche de la substance, ici le/la partenaire, devient alors le seul sujet de préoccupation de la personne dépendante, qui devient prête à tout pour y avoir accès. La la personne qui souffre de dépendance affective se détruit à petit feu et malheureusement, pour tenter d’échapper à cette addiction ou oublier ses souffrances, elle peut aussi développer une autre addiction à l’alcool ou aux drogues, ou se réfugier dans la « nourriture affective » dont je vous parlerai dans mon prochain article.
Pourquoi développe-t-on une dépendance affective ?
Comme dans bien des cas, ce comportement trouve ses racines dans l’enfance.
La théorie de l’attachement
Dans les années 70, la psychologue du développement Mary Ainsworth, s’appuyant sur la théorie de l’attachement de John Bowlby et son expérience de la « situation étrange », définira 4 styles d’attachement qui se construisent dans les premières années de la vie. Enfant, nous avons une figure d’attachement, en principe notre mère mais cela peut être aussi la personne qui nous prodigue des soins au quotidien. Selon le type de relations précoces avec cette figure d’attachement, principalement la manière dont cette personne répond à nos demandes de soin, de réconfort, d’aide, nous construisons des schémas que nous appliquons ensuite à nos autres relations même à l’âge adulte. (Pour en savoir plus, allez voir mon article complet sur la théorie de l’attachement et « la situation étrange »).
L’attachement “secure” ou “sécurisé”
C’est un attachement que l’on peut qualifier se “sain”.
Les adultes avec un attachement sécurisé ont généralement confiance en eux-mêmes et en leurs relations. Ils sont capables de maintenir un équilibre entre l’intimité et l’indépendance.
Ils sont à l’aise pour explorer leur environnement et nouer des relations avec les autres et ont une capacité d’adaptation émotionnelle et sociale.
Ils utilisent des mécanismes de coping efficaces pour faire face au stress et à l’anxiété et vont chercher du réconfort auprès de leurs proches sans crainte d’être rejetés.
Ils ont tendance à établir des relations stables, positives et satisfaisantes. Leur capacité à créer des liens émotionnels solides favorise des relations épanouissantes.
L’attachement “résistant” ou “anxieux-ambivalent”
Les personnes qui souffrent de dépendance affective ont, quant à elles, un style d’attachement qualifié de « résistant », également appelé attachement anxieux-ambivalent, qui peut se manifester par :
Une demande intense de proximité : Les adultes à l’attachement résistant ont une forte dépendance émotionnelle envers leurs partenaires. Ils cherchent constamment la proximité et le réconfort, mais peuvent également se montrer exigeants et difficiles à satisfaire.
La peur de l’abandon : ils sont préoccupés par la peur d’être abandonnés et cette anxiété peut les amener à surinvestir leurs relations, craignant que leurs partenaires ne les quittent.
Une ambivalence émotionnelle : ils peuvent alterner entre des besoins d’intimité et des réactions de rejet et donc être ambivalents dans leurs émotions et leurs comportements envers leurs partenaires.
Une recherche constante de réassurance : ils ont besoin d’une validation constante de leur valeur et de leur importance, ce qui peut entraîner des jeux émotionnels dans leurs relations.
Une difficulté à gérer les émotions : l’attachement résistant est souvent lié à une difficulté à moduler les émotions, ils peuvent passer rapidement de la colère à la tristesse ou à l’anxiété.
Une crainte de la solitude : ils ont du mal à être seuls et cherchent toujours la présence de leurs partenaires. La solitude peut déclencher chez eux des anxiétés et des pensées négatives.
Ce fonctionnement spécifique montre bien la difficulté d’établir des relations stables pour ces personnes et l’incompréhension que peuvent ressentir leurs partenaires face à cette grande ambivalence qui les caractérisent.
L’attachement “désorganisé”
L’attachement désorganisé naît du fait que les personnes qui s’occupent de l’enfant pendant la petite enfance ont un comportement imprévisible et incohérent. Ce style d’attachement se développe souvent lorsque les enfants sont élevés dans un environnement qui suscite la peur, par exemple lorsqu’ils sont maltraités ou se méfient de leurs propres parents ou des personnes qui s’occupent d’eux.
Il est principalement caractérisé par la peur, la méfiance et le conflit intérieur. Les adultes qui présentent ce type d’attachement finissent par avoir de faibles capacités d’adaptation, un comportement erratique et des difficultés à gérer les problèmes qui surviennent dans leurs relations ou dans leur vie. Pour ces raisons, ils ont tendance à être très imprévisibles dans leurs relations avec les autres.
Voici quelques signes typiques d’un attachement désorganisé chez l’adulte:
Une attitude chaotique dans leurs relations qui implique un comportement intense ou imprévisible, qui déconcerte souvent leurs partenaires ou leurs relations proches.
Une peur extrême du rejet qui rend très difficile la connexion avec les autres et la confiance dans leurs paroles et leurs attitudes.
Ambivalence concernant le besoin de proximité : par moments, ils peuvent rechercher activement la proximité avec leurs partenaires ou leurs proches, exprimer des besoins d’intimité et de réconfort. À d’autres moments, ils peuvent se retirer brusquement et éviter la proximité et se montrer distants, froids ou rejetants.
Un comportement agressif envers leur partenaire ou leurs relations proches par peur d’être abandonnés ou trahis.
Une faible estime de soi : n’ayant pas reçu de soutien positif de la part de leurs parents ou de leurs soignants, ces personnes souffrent souvent d’une faible estime de soi.
L’attachement “anxieux-évitant”
Qu’est-ce qui caractérise cet attachement ?
Un évitement de l’intimité : les adultes avec un attachement anxieux-évitant sont souvent réticents à s’engager émotionnellement dans des relations. Ils évitent donc la proximité et la dépendance envers les autres, craignant d’être vulnérables ou de subir un rejet.
La peur de l’abandon : Ils ont une peur profonde d’être abandonnés par leurs proches , ce qui peut les amener à maintenir une distance émotionnelle pour se protéger.
Une difficulté à faire confiance : ils ont du mal à faire confiance aux autres et peuvent être méfiants et hésitants à s’ouvrir.
Une indépendance excessive : ils préfèrent rester autonomes et éviter de dépendre des autres jusqu’à parfois les isoler.
Une peur d’être vulnérables émotionnellement : ils évitent pour cela d’exprimer leurs besoins profonds par crainte d’être blessés.
Des comportements de retrait : face à des conflits ou à des situations émotionnelles intenses, ils ont tendance à se retirer plutôt qu’à chercher une résolution.
Un duo toxique
Ou : Quand une personne qui souffre de dépendance affective rencontre une personne avec un style d’attachement anxieux-évitant…
Vous l’aurez compris, c’est la pire des combinaisons car la première veut ne faire qu’un avec l’autre, et l’autre prend la fuite à la moindre alerte pour garder son indépendance. Et pourtant c’est une combinaison que l’on retrouve très souvent. Pourquoi ?
Parce que la personne qui souffre de dépendance affective cherche en l’autre ce qu’elle n’a pas et qu’elle considère comme une force ou une qualité. Une personne indépendante lui parait donc forte, l’attire et lui donne l’impression que cette force va la protéger . Et pourtant c’est pour elle la personne qui sera la plus insécurisante car elle accentuera sa dépendance et sa détresse : plus elle s’approchera d’elle et plus l’autre la fuira et parfois même, disparaîtra sans prévenir !
L’enfant intérieur blessé
L’excellent psychanalyste et thérapeute Moussa Nabati -lui- évoque une autre piste dans nombre de ses livres: l’enfant intérieur qui existe en nous et nous accompagne dans notre vie d’adulte.
Cet enfant se manifeste souvent de façon positive en nous offrant cette spontanéité, ces élans de créativité et cet émerveillement devant des choses nouvelles !
Mais il peut aussi se manifester et prendre le contrôle de l’adulte en nous, lorsque ses blessures non guéries sont réveillées par une personne ou une situation. Nous agissons alors de manière immature, irraisonnée, voire régressive car nous sommes complètement malmenés par une tempête d’émotions que l’on ne sait pas, en tant qu’enfant, réguler.
L’enfant intérieur des personne qui souffrent de dépendance affective cherche souvent en l’autre, l’amour paternel ou maternel dont il n’a pas assez bénéficié. Il choisit alors ses partenaires selon des critères souvent inconscients qui lui rappellent ce père ou cette mère. L’adulte se retrouve alors dans une relation déséquilibrée et malsaine, qui ne correspond pas à ses besoins en tant qu’adulte, mais qui sont censées combler son enfant intérieur. Il est alors important de guérir cet enfant intérieur pour permettre à l’adulte de vivre une vie plus équilibrée.
Le murmure des fantômes
Boris Cyrulnik dans son livre « Le murmure des fantômes » donne l’exemple de Marylin Monroe, qui n’a pas connu la tendresse étant enfant et est devenue selon ses termes un « fantôme ».
Un fantôme, c’est pour lui une personne qui, même si elle revêt la plus belle des apparences et suscite de vives émotions autour d’elle, est en fait déjà morte à l’intérieur…
« L’affection est un besoin tellement vital que lorsqu’on en est privé, on s’attache intensément à tout évènement qui fait revenir un brin de vie en nous, quel qu’en soit le prix », dira-t ’il.
Ainsi ces “fantômes” tentent de ressentir à nouveau la vie en eux, quel qu’en soit le prix … souffrance, humiliation, destruction … On comprend mieux alors les mécanismes qui font que certaines personnes, telles les personnes qui souffrent de dépendance affective, restent dans des situations qui les font atrocement souffrir.
Comment s’en sortir ?
Il ne s’agit pas de critiquer les personnes souffrant de dépendance affective, car il est évident que chacun peut en être victime à un moment donné de ses relations, à des degrés divers. Nous pouvons également le devenir en rencontrant une personne qui réveillera en nous des blessures bien enfouies.
Il ne faut pas non plus prétendre que s’en sortir est facile, ni que seule la volonté distingue ceux qui y parviennent de ceux qui échouent. Ces idées sont simplistes et culpabilisantes. Non la volonté, à elle seule, ne suffit pas toujours !
Prendre conscience de son propre fonctionnement est une étape qui permet de mieux se connaître. Cela permet de mieux repérer les indices pour éviter de retomber à chaque fois dans le même type de relations quand elles se présentent et tenter de les éviter.
Démarrer un processus de changement
Parfois il suffit d’un déclic ! Le déclic, finalement, c’est quand une nouvelle interprétation de la réalité ne nous permet plus de revenir en arrière : on a ouvert les yeux et on ne peut plus, même si on le souhaite, refermer à nouveau les yeux.
Mais souvent un changement prend du temps. Pourquoi ? Au quotidien, il est souvent déclenché par un petit rien, un doute qui s’infiltre dans la muraille que nous avons construite pour nous protéger et dont les briques sont nos certitudes. Lorsque nos certitudes sont attaquées brutalement, elles sont facilement arrêtées par notre muraille ou notre carapace. Finalement, ce sont seulement les petits doutes, instillés au compte-goutte qui arrivent à nous toucher, doucement mais sûrement.
Ce doute c’est un un évènement, une autre personne ou une nouvelle information, qui nous fait prendre conscience qu’il existe d’autres interprétations de notre réalité ou de notre situation.
Le processus se met alors en place : accepter de changer sa vision de la réalité, mettre en place un nouveau comportement et faire le deuil des idées que l’on abandonne, et se débarrasser de sa culpabilité (“Pourquoi n’y ai-je pas pensé avant ?”, “Pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour m’en rendre compte ?”)
Ecouter son instinct
Dans la vie en général et dans les relations, il est bon d’écouter son instinct ! Souvent dans les cas de violence conjugale, les victimes, a posteriori, témoignent que lors de la première rencontre, elles avaient eu un ressenti pas totalement positif au sujet de l’autre personne ! Mais l’envie d’une belle histoire, l’envie d’y croire ont fait qu’elles n’en ont finalement pas tenu compte. L’instinct avait pourtant envoyé des signaux d’alarme ! Là encore, ne vous infligez pas encore plus de culpabilité, car la clé pour en finir avec cette souffrance, c’est de s’aimer et d’être bienveillant(e ) envers soi !
Reconstruire son estime de soi
Comment faire quand notre estime de soi a été malmenée … voire piétinée et parfois à répétition ?
Un premier pas est de comprendre que si nos relations échouent c’est à cause du cercle vicieux que provoque la dépendance affective et qui fait fuir l’autre ou le rend dénigrant ! Ce n’est pas notre propre personne ! N’importe qu’elle autre personne souffrant de dépendance affective aurait obtenu exactement le même résultat donc stop à la mauvaise estime de soi !
Une personne qui souffre de dépendance affective cherche celui ou celle qui saura lui faire oublier tous ses problèmes et soigner toutes ses blessures. Mais chercher cette guérison intérieure, à l’extérieur de soi, dans un contexte de relation amoureuse est très périlleux. Il est préférable d’essayer de mettre en place, à son rythme, un processus de guérison et d’amour de soi.
Guérir ses blessures
Pour commencer, on peut symboliquement essayer de soigner les blessures de son enfant intérieur et le guérir grâce à l’adulte que nous sommes devenus. Comment ? En le protégeant et lui donnant ce dont il a manqué, comme si l’on devenait le père ou la mère idéale que nous n’avons pas eu et qui nous a cruellement manqué.
Ce travail peut se faire en se mettant seul(e) dans un endroit calme et en visualisant cet enfant que l’on était, peu importe qu’il soit réellement à notre image et c’est même assez intéressant de se rendre compte que parfois il ne nous ressemble pas vraiment.
Observez-le : est-il triste, heureux, en colère, caché, agité ?
Ressentez au fond de vous : de quoi a-t-il besoin ? S’il a peur, de quoi a-t-il peur mais surtout comment vous pourriez, en tant qu’adulte, le rassurer ? En le prenant symboliquement dans vos bras ? En lui expliquant qu’il n’est plus seul perdu au fond de vous-même et que maintenant que vous l’avez trouvé vous allez l’aider ?
A vous de trouver ce qui le rassurera car c’est évidemment propre à vous ! Cet exercice peut se réaliser seul(e) ou avec un accompagnement par un thérapeute (psychologue, kinésiologue,…).
Une personne que j’ai accompagnée a décidé après avoir réalisé ces exercices de commencer à faire pour son enfant intérieur plusieurs choses qu’elle aurait aimé faire et n’a pas pu réaliser étant enfant : aller voir des expositions, pratiquer des activités sportives. En fait, elle a décidé de devenir la personne qui lui a manqué, sans chercher à l’extérieur d’elle une autre personne comme substitut du père ou de la mère, que bien souvent on cherche inconsciemment quand on est dépendant amoureux.
S’aimer
Vous l’aurez compris, s’aimer soi-même et vivre sa vie par soi-même est un bon remède à la dépendance affective. Et surtout soyez indulgent(e)s et bienveillant(e)s envers vous-même, avancez à votre rythme ! Et n’hésitez-pas à vous faire aider si vous en ressentez le besoin !
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[1] Abordé dans un prochain article
([2]Journal of Neurophysiology en 2000