Il y a un an: Marie, aide-soignante à Mulhouse

Un couloir d'hopital à Mulhouse pendant la pandémie de COVID19 au printemps 2020.

Il y a tout juste un an, le COVID nous touchait de plein fouet. En quelques semaines, nos certitudes ont été malmenées, ébranlées, anéanties. Pour la première fois de notre vie (je parle au nom de ceux qui n’ont pas connu la guerre), l’avenir s’estompait dans une incrédulité spéculative et anxiogène. Alors qu’autour de nous, le virus décimait à l’aveugle, nos soignants prenaient le raz-de-marée en pleine face. Un an après, je vous livre le témoignage de Marie, aide-soignante en région mulhousienne, recueilli en mars 2020.

Je ne dors presque plus. Parfois, un demi-sommeil m’anesthésie quelques dizaines de minutes mais je suis vite réveillée par des mots, toujours les mêmes : Corona, covid19, le virus. Ils résonnent dans ma tête et leur ombre plane sur ma vie. Pourtant, il arrive que cette litanie soit interrompue par un beau sourire, un visage angélique : celui de ma mamie qu’on a enterrée il y a 10 jours. Juste à temps. On a pu lui dire adieu lors d’une petite cérémonie, limitée à 10 personnes, le matin-même du confinement. Je pense à elle, je la vois, elle me sourit. Mais cela ne suffit pas. La douleur et l’absence ne passent pas. J’aurais eu besoin de temps pour encaisser le coup, accepter et la laisser partir. Paisiblement. Mais tout s’est enchaîné. Si vite. Je n’ai eu le temps de rien faire. Tout simplement, je n’ai pas pu vivre le deuil, cette période de recueillement indispensable lorsqu’un être cher nous quitte. Non, je n’y ai pas eu droit. Parce que les évènements ont pris le dessus. Ils m’ont entraîné dans leur tourbillon sans me laisser le moindre répit. Et je me retrouve là, dans mon lit. Il est 4 heures du matin. Et le COVID est dans ma vie.

Chaque jour à l’hôpital et désormais, chaque nuit, il me suit chez moi, dans mon foyer. Il s’immisce dans mes pensées et dans mon sommeil. Sa présence malsaine est en train de me rendre folle… ou de m’éteindre, je ne sais pas vraiment. J’ignore combien de temps je vais tenir le coup. Pour moi, pour ma famille, pour mes enfants. J’entends la respiration régulière de mon mari qui dort à côté de moi. Heureusement qu’il est là. Depuis le début, il a tout pris en main : les enfants, les devoirs, la maison, la cuisine, les courses. Sans lui, j’aurais déjà craqué.

Et puis je pense aux collègues qui sont seules, avec des enfants. Comment font-elles ? Avec toutes ces pensées qui me traversent l’esprit, je sais que je ne vais pas me rendormir. Alors j’attends. J’attends que le réveil sonne pour me propulser dans une nouvelle journée, irréelle et crépusculaire. Une journée de COVID.

Réagissez à cet article sur Facebook.

Partagez cet article !
Total
0
Shares
Laisser un commentaire
Précédent
Lara, 29 ans, pilote de ligne
Lara, 29 ans, pilote de ligne.

Lara, 29 ans, pilote de ligne

Pour célébrer la journée internationale des femmes, nous donnons la parole à

Suivant
Qu’adviendra-t-il du tourisme?
Valise avec un masque jetable

Qu’adviendra-t-il du tourisme?

En termes de recettes, les pays de l’OCDE généraient quelque 70 % de